Francouvertes : Idir Gamouri, Neimo, Kamilou
COMPTE RENDU – Du rap en chambre : retour sur la 6e soirée des préliminaires aux Francouvertes 2025.
La traditionnelle soirée rap des Francouvertes se fera depuis nos lits respectifs. D’âges mûrs, nous ne sommes plus aussi vaillantes que les années précédentes, nous avons donc regardé les shows en ligne. Si le confort de rester chez soi est indéniable, l’expérience n’est clairement pas la même que celle ressentie en salle. Retour sur une soirée vécue de loin, mais vécue pareil.
Calamine sophise

En 2021, Calamine (25e édition) monte sur les planches du Lion d’or devant une salle vide, pandémie oblige. Elle se rattrape cette année, profitant d’un public nombreux et surexcité pour performer deux chansons (notamment son titre “Sophisme” en réponse aux propos diffamatoires émis par la journaliste Sophie Durocher suite au gala de l’ADISQ) et en “casser” une nouvelle : chambre d’écho, dont l’intention pourrait être résumée par “what the fuck is going on dans le monde”. Le beat fluide et l’intelligence sarcastique de la rappeuse nous réveille (nous sommes dans notre lit, rappelons-le) et pose le ton pour la suite.
Idir Gamouri, nonchalance ténébreuse

Et c’est avec la guitare qui “griche” d’Idir Gamouri, accompagné au violoncelle et à la batterie, que le show débute. Tout au long de la performance, le trio fonctionnera très bien, avec une mention spéciale pour le violoncelliste qui n’hésite pas à rocker son archet.
Les mélodies sont travaillées et la voix d’Idir est profonde, ténébreuse, dans la lignée de Lomepal ou de Grand Corps Malade. La proposition est originale, mais la nonchalance du compositeur-interprète sur scène nous échappe un peu. On aurait presque la sensation de le déranger dans sa soirée, ce qui contraste beaucoup avec l’excitation et la reconnaissance des concurrent·es qui suivront. Un projet qui ne passe pas le cap des demi-finales, dommage.
Neimo, rap et bagou

Neimo nous ramène du rap et du bagou dans la place, ne se laissant aucunement déconcerter par ce maudit problème technique au démarrage, celui qui fait monter la tension chez maintes musicien·nes, chevronné·es ou non.
Même pas peur. Neimo, du haut de ses dix-huit ans, resplendit d’un bonheur sincère, celui d’être sur scène avec ses chums (aux synthétiseurs, drum et mix) et sa blonde (à la voix), et d’offrir au public du Lion d’or sa bonne vielle trap de toujours. Musicalement, le flow est plutôt doux, à la Odezenne ou PNL, les samples de type “collage” évoquent le mythique album L’École du micro d’argent de la très connue formation IAM, bref : de belles références à garder en tête pour la suite du projet (un premier single sort ce vendredi, 28 mars). Pourtant, tout nous semble très jeune, à développer, ce qui n’empêche pas le compositeur-interprète de se glisser cinquième dans le palmarès provisoire ! Chapeau.

Kamilou en famille
Kamilou nous titille dès la vidéo des 21 (capsules réalisées par Parce Que Films et diffusées avant chaque performance, fallait-il attendre la dernière semaine pour vous en parler ?) en affichant à l’écran un livre que nous affectionnons particulièrement : La Vie habitable de Véronique Côté. Elle en profite pour nous parler poésie, langue française et rage féminine. Cool.
Sur scène, Kamilou offre une voix mélodieuse, langoureuse sur les rythmiques jazzy (mention spéciale au saxophoniste) et plus sombre sur les beats de rap, ce qui n’est pas sans rappeler le style du rappeur et poète britannique Kae Tempest, très en vogue. Entourée de quatre frères (de sang et de cœur), musiciens de talent, elle ose le mélange de style, passant du rock prog à la trap sans transition, et ça marche plutôt bien. En bémol : une légère inconstance dans la voix. Sans doute dûe au stress, l’artiste avouant une grande appréhension avant le show de ce soir. Nous le confirmerons en demi-finales car, oui, Kamilou a sa place assurée aux demis : deuxième du palmarès provisoire, juste après Muhoza et sa troupe !
Texte : Elise Denis – Photos : Frédérique Ménard-Aubin