L’Étranger de François Ozon : adaptation osée et pari réussi
CINÉMA – On est allés voir la nouvelle adaptation du roman de Camus L’Étranger sans trop y croire et on en est ressortis convaincus.
Ce mois de novembre est décidément riche en reco ciné. Après Sirat et Deliver Me Frome Nowhere, place à une grande adaptation. Avant toute chose, votre rédactrice vous fait savoir qu’elle est une camusienne convaincue et qu’elle avait donc de TRÈS hautes exigences avant d’aller voir ce film. Parce qu’on ne peut pas faire n’importe quoi avec Camus, quand même.
De prime abord, à l’annonce de la sortie du film, je voyais deux problèmes majeurs quant à l’adaptation de ce roman philosophique. En premier lieu, son étiquette de classique de la littérature (parce que oui, L’Étranger c’est peut-être le livre à l’incipit le plus célèbre de la littérature). Ensuite, toute sa dimension philosophique sous-jacente. Je suis donc rentrée dans le cinéma en partant du principe que je n’allais pas être nécessairement convaincue par la proposition… et pourtant.
Des acteurs convaincants…
Il n’y a pas à dire, Ozon sait s’entourer ! Et pourtant, ce n’était pas gagné : jouer Meursault, le personnage principal du roman, s’annonçait complexe au vu de la psychologie du personnage. Pourtant Benjamin Voisin s’y attelle avec une grande justesse, sachant à la fois s’approprier son personnage, sans pour autant dénaturer celui que Camus a imaginé. Côté personnages secondaires, Rebecca Marder fait une parfaite Marie, et j’ai adoré Pierre Lottin dans le rôle de Raymond Sintès. J’avais envie de le baffer tout au long du film, ce qui est, compte tenu du personnage, un grand point positif.
Côté rythme, et ben… c’est long. Très long. Du genre, des scènes où il ne se passe rien : Meursault se
lève, s’habille, va au travail. Le tout dans le silence total. Mais c’est un ennui maîtrisé, voulu par le réalisateur. C’est ce rythme qui fait prendre conscience de toute une partie de la psychologie de Meursault, pour contrebalancer ce qu’on ne peut comprendre sans le lire. C’est d’ailleurs à mes yeux un sacré exploit de réaliser un film de 2h sur la base d’un livre d’à peine 100 pages ! J’avais justement peur qu’il y ait beaucoup de rajouts. Au final, très peu, et les rajouts sont précis et s’introduisent parfaitement dans le récit global.
Petit clin d’œil que j’ai beaucoup aimé : en prison, Meursault évoque une nouvelle qu’il a lu dans le journal, celle d’un homme se faisant tuer malencontreusement par sa mère et sa sœur. C’est une référence à la pièce Le Malentendu, de Camus également. Un beau jeu sur l’intertextualité donc.
… pour une adaptation réussie de L’Étranger
Cette adaptation s’inscrit finalement dans son époque sans en faire la caricature. Aucune envie de vous spoiler ici, donc je dirai juste que la scène finale est brillante. Ozon ajoute au film une dimension critique du colonialisme en Algérie, silencieusement, au fil des scènes. Finalement, tout ce que Camus aura omis dans son récit, Ozon le rajoute mais sans caricaturer sa propre époque. En bref, en quelques scènes ajoutées, c’est tout un contexte historique fait d’inégalités et de rapports de force qui s’offre à nous, et ça ajoute vraiment quelque chose à cette adaptation.
Bref, un film à aller voir, et c’est une fan de Camus qui vous l’enjoint !

Texte par Lou Geniller
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