Springsteen – Deliver Me From Nowhere : un biopic inutile de plus

CINEMA – Le biopic de Bruce Springsteen semblait prometteur avec le combo Nebraska / Jeremy Allen White. On y a cru. Mais pas très longtemps.

Je ne suis pas une immense fan de Bruce Springsteen. Mais comme bon nombre de personnes, je ne résiste pas à Born To Run et Dancing In The Dark est un incontournable de mes playlists. Pourtant, il y a un vinyle du boss qui a une place bien particulière dans ma collection depuis une dizaine d’années. Nebraska. Pas loin sur mes étagères, l’autobiographie Born To Run qu’on m’avait offerte. Le bouquin qui m’avait poussé à découvrir que le boss n’était pas juste le boss, mais qu’il avait écrit et sorti cette pépite en 1982. Un album qui forcément avait retenu toute mon attention. Et gagné instantanément mon cœur dès les premières notes du premier titre.

Retour aux origines

Pas étonnant quand on me connaît. Oh oui, j’aime le rock, les guitares électriques, les publics qui sautent ou pogotent, les hymnes de stade même parfois (dans une certaine mesure). Mais ce que je place au-dessus de tout, c’est le folk. Un jour, on m’a dit que j’étais une puriste. Je m’étais un peu insurgée mais il a fallu se rendre à l’évidence. Parce que je suis convaincue que c’est dans leur plus simple appareil que les titres se révèlent, que la musique se crée. Une voix. Un instrument. Le minimum. L’essentiel. Le retour à la pureté de l’émotion originelle. Et le folk, en cela, est la base de tout. Springsteen l’avait bien compris en écrivant Nebraska. Et il nous le faisait comprendre en nous offrant cet album. Il revenait à la base. Aux origines.

J’avais espoir que le film mette cela en lumière. Il l’a fait, pendant peut-être quoi… 20 à 30 minutes ? Perdues quelque part au milieu de deux heures de film. Une chambre. Une guitare. Un harmonica. Une voix. Une cassette. Et ensuite une bataille pour mettre ça sur vinyle. Voilà. La partie intéressante du film se résume à cela. Et malheureusement, elle a été vite expédiée.

Le reste ? Une suite de clichés éculés, de remplissage inutile, et une réalisation ridiculement plate. Rien, RIEN ne nous est épargné. Le noir et blanc pour figurer le passé. La jeune femme blonde maman célibataire pour caser répliques cuculs et scène d’intimité pour faire rêver la ménagère. Un vieillissement artificiel des parents. Une relation à la famille éludée en un mot (les “cousins”). Un plan sur les feuilles de l’automne. Une jolie voiture et une moto qui ne servira littéralement à rien. On se demande toujours l’intérêt de certains dialogues de couple si ce n’est expliciter l’évidence du propos (et nous prendre au passage un peu pour des teubés). La musique peut-être aurait pu tout sauver. Mais non, puisqu’elle n’est finalement que peu présente dans le film.

Un Springsteen convaincant

Ce n’est pourtant pas la faute de Jeremy Allen White. Il est évidemment excellent dans ce personnage d’homme torturé, sur les pentes glissantes de la dépression, qui s’isole pour créer et tenter d’exorciser un à un ses démons (qu’on nous fera passer pour un seul : le padre). Mais ça, on le savait déjà. Là encore, on n’apprend pas grand chose de cette tête d’affiche, si ce n’est peut-être qu’il est capable de chanter. Ses interactions principales se font avec son manager de (presque) toujours Jon Landau. Le protecteur et l’homme providentiel, joué de manière impeccable par Jeremy Strong. Et au final, voilà donc ce qu’on retiendra. Que cet album a vu le jour parce que Bruce Springsteen s’était diablement bien entouré. Et qu’il est le résultat de l’âme tourmentée d’un artiste. No shit, Sherlock.

Allez, en attendant le prochain biopic décevant de cette décennie, je ne vous conseillerai qu’une chose. Mettez le vinyle de Nebraska sur votre platine et lancez-le. Tout ce que vous avez à savoir de cet album s’y trouve, pour qui veut bien écouter.