Une soirée normale à Bordeaux (2) : soirée Talitres avec Garciaphone et Motorama au Rocher de Palmer
Pourquoi avoir un seul calendrier de l’avent quand on peut en avoir deux ? Pourquoi n’avoir qu’une paire de lunettes quand on peut en avoir deux ? Pourquoi se contenter d’un seul concert quand on peut en voir deux ? C’est en partant de ce constat alarmant que s’est mis en place un stratagème sans précédent au sein de Rocknfool : diviser pour mieux régner (comme le fit Yves, en son temps).
Je (Justine, enchantée) suis donc partie du côté folk de la force, déléguant le rock à nos envoyés très spéciaux pour l’occasion. L’affiche était des plus alléchantes ce soir là, puisqu’allaient se succéder sur une petite scène du Rocher de Palmer deux signatures du label Talitres, j’ai nommé Garciaphone et Motorama.
Mais avant celà, petit point “public”. Si la petite salle était complète lors du set de Motorama (qui au final, ne valait pas grand chose), elle ressemblait à un emmenthal généreusement aéré pour Garciaphone. Si encore le respect envers les artistes avait été là et que le silence avait été de mise … Point public refermé.
Garciaphone, c’est un petit groupe d’Auvergnats (pléonasme), au sommet duquel se loge la tête pensante, Olivier Perez. Petits par la notoriété, mais grands par le talent (comme pour tous les Auvergnats, mais là, c’est un autre débat). Je les avais découverts en farfouillant le net (d’une recherche sur Google de Niandra LaDes, l’album de John Frusciante, j’étais tombée sur Niandra Lades, le groupe clermontois, qui m’a fait tomber sur Garciaphone … une longue et rocambolesque histoire). Depuis, il(s) a(ont) sorti un EP chez Kutu Folk et un album chez Talitres, donc. Rien que les noms de ces labels auraient du vous faire ouvrir deezer, mais comme il faut tout vous faire, voici l’EP et l’album.
Et c’est avec bonheur qu’on a retrouvé les délicates compositions de ce trio sur scène, lors d’un set puissant mais tout en retenue. Les douceurs de l’EP venaient adoucir les sons typiques des songwritters rock américains (parmi lesquels Grandaddy, dont le chanteur Jason Lytle était sur le programme du lendemain … coïncidence de fou). On ne remarque presque pas qu’une nouvelle chanson débute, non pas parce que toutes se ressemblent (loin de là), mais parce qu’on est tellement dans le concert que l’on se laisse promener dans l’univers de Garciaphone, guidés par la très belle voix de son chanteur. La simplicité est de mise, la basse et la batterie jouent ce qu’il faut, pas de fioritures, ils vont droit à l’essentiel. Le passage en guitare-voix aura définitivement eu raison de moi. Le cadre, hivernal, confiné, la promiscuité avec les artistes, tout était réuni pour apprécier à sa juste valeur l’univers de Garciaphone. Un groupe qu’il faut absolument aller voir, soutenir, et dont il faut acheter l’excellent album (qui ferait un joli cadeau de Noël !).
Charmée par l’univers des Auvergnats, j’étais loin de m’imaginer l’ampleur de la déconvenue russe qui m’attendait.
Beaucoup de bien a été dit sur ce groupe venu du grand froid. Par beaucoup de monde. Motorama est de ces groupes dont la presse spécialisée raffole, assez pointu et confidentiel pour mériter son attention mais pas trop inaccessible pour pouvoir affirmer qu’on les aimera instantanément. Je lui avais fait confiance à cette presse, et suis allée à ce concert presque convaincue à l’avance du bien que procurerait leur musique à mes oreilles.
Malheureusement, la sauce n’a pas pris chez moi. Beaucoup trop de bruit et de mouvements pour au final pas grand chose. Parce que oui, des mouvements, ce n’est pas ce qui a manqué : déhanché un poil niais de la bassiste, course à pied du chanteur, toupies du guitariste (qui a manqué à plusieurs reprises de m’assommer avec sa Fender) … À en donner le tournis. Alors certes, l’énergie déployée sur scène est colossale, et certes, les références, palpables, sont excellentes. Mais pour moi, ils n’y apportent rien et n’ont fait que les mélanger. Même la voix du chanteur est un mix entre le timbre de Ian Curtis (Joy Division) et la nonchalance d’Aaron Dessner (The National). Pour ce qui est des compositions, on ne les sent pas s’enchaîner, mais pour les raisons opposées à Garciaphone : elles se ressemblent toutes. Peut-être est-ce dû à la technique quasi irréprochable des musiciens qui occulte leur folie endormie … Hasard malheureux de la setlist ou nouvelle technique de musculation pour batteur : les tempos ne descendaient jamais au dessous de 150 BPM, soit un bon Cassius de chez Foals (ou God Save The Queen des Sex Pistols pour les moins frais d’entre nous). Visiblement, le public (qui était resté bloqué en masse au bar pendant le concert de Garciaphone) a vraiment apprécié cette pop-cold wave, l’ambiance était bonne, les regards rivés sur la scène. Un bon concert, oui, d’accord, on était loin du stade Jena Lee, mais j’ai rapidement trouvé le temps long.
Garciaphone simple mais beau et efficace, Motorama amputés de toute (vraie) folie : bilan un poil mitigé donc en ce qui me concerne pour cette soirée placée sous le signe de l’excellent label bordelais Talitres.