On y était : Zazie aux Folies Bergère
Je sais. Je sais. Je t’imagine rouler des yeux. Zazie ? Mais qu’est-ce que tu nous fais. Ecoute, j’aime cette artiste. Sa simplicité, sa folie douce et ses chansons. Oui, juge-moi. J’assume. La vérité, c’est que j’ai toujours voulu la voir en concert. Je l’ai croisée quelques fois, dans des salles de concerts, dans des conférences de presse. Je l’avais vu chanter. Tu sais, la première fois que j’ai entendu Zazie, j’étais gamine. J’ai grandi avec ses chansons qui passaient à la radio, les clips à la télévision. Et, sans vraiment savoir pourquoi, j’ai toujours été sensible à ses textes. Pour tout t’avouer, j’écoutais même “A ma place” avant mes compétitions de gymnastique. Mon Dieu, c’était une autre vie. Cette chanson, elle me portait chance. C’était mon porte-bonheur. Alors Zazie, elle a une petite place dans mon coeur. Et même si je ne le crie pas sur tous les toits, j’aime ce qu’elle dégage et ce qu’elle dit. Après les attentas de Charlie Hebdo, quand je me demandais s’il fallait ou pas aller à la Marche Républicaine, j’ai écouté toute la matinée “J’étais là”. Je connais les paroles par coeur. “J’étais là en octobre 80, après la bombe à Copernic, oui j’étais à la manif’ avec tous mes copains. J’étais là souvent. Qu’on y comprenait rien mais on trouvait ça bien”, dit la chanson.
Et, elle termine par “J’étais là pour compter les morts. J’étais là, et je n’ai rien fait”. Je n’ai rien fait, à chaque fois, c’est un petit détonateur. Le bouton “Push” quand je me pose des questions. J’ai fini par aller à la Marche, je comprenais ce qu’il se passait, ma présence ou pas, n’a pas changé la face du monde. Notre présence à tous n’a rien changé d’ailleurs, mais ce jour-là, on avait besoin d’amour et de s’aimer, même si ça n’a duré qu’une journée, une poignée d’heures. “J’étais là” c’est la chanson que je raccroche au 11 janvier pour toujours. C’est comme ça. Alors tu vois, Zazie, je suis attachée à elle.
Je ne me souviens pas combien de fois elle joue aux Folies Bergère, mais c’est pas très loin de chez moi, et puis elle invite des artistes en premières parties que j’apprécie plus ou moins. Plus que moins d’ailleurs. Autant de raisons qui m’ont convaincues, s’il fallait l’être, d’y aller. J’aime cette salle d’un autre temps. Ses lustres rococos, sa grande entrée, ses peintures datées et un peu ringardes, ses couleurs chatoyantes, ses fauteuils tout défoncés… Je n’ai que des bons souvenirs dans cette salle. Il y a eu bien sûr les retrouvailles avec Damien Rice, et ce concert feel-good de Hozier. Ca ne pouvait être que très bien. Et ça l’a été. Elle a beau appeler sa tournée “L’Heureux Tour”, la plupart de ses chansons, à Zazie, ne respire pas trop la joie. Ca parle d’amour foiré (toujours), d’un SDF qui danse les pieds-nus dans la rue, de tristesse, mais aussi de femmes conscientes qu’être la faiblesse des hommes leur donnent une force particulière.
Zazie présente son dernier album, mais elle a l’intelligence d’égrener son set de vieux titres. Je crois avoir fait un bond quand elle a chanté “J’étais là”, j’ai scandé avec toute la foule “Tout le monde il est beau”, j’ai ri avec cette Natalie choisie dans le public pour épeler tous les noms qui composent le texte de la chanson. J’ai chanté “Rue de la Paix”. J’ai voulu y croire très fort quand elle répétait “La vie est belle”. J’ai pleuré avec “J’envoie Valser”. Oui, j’ai pleuré. Et puis, j’avais le sourire aux lèvres, les yeux fixés sur la coursive qu’elle parcourt avec ses musiciens pour chanter “Larsen”. “Larsen”, la chanson qui passait à la radio il y a 20 ans. J’avais 10 ans. 10 ans. Le choc. Mais un joli choc. Parce que c’était un très beau moment. Parce que j’ai débranché mon cerveau, j’ai dansé. Oui, j’ai dansé. J’ai souris, moi la blasée, moi qui porte toujours ce masque qui cache mes émotions et ne laisse rien transparaître. En vrai, je crois que j’étais heureuse. C’est bizarre non ? Je sais pas, j’ai eu l’impression de faire un bond dans le passé, retourner à une époque où rien n’avait d’importance. Et puis, il faut souligner aussi la qualité des musiciens derrière ce bout de femmes qui montent sur scène en top-jeans, sans chichis. Des monstres. Une jolie surprise : la parité est parfaitement respectée. Trois filles, trois hommes. Tout était parfait.
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Setlist : Toc toc toc/Discold/Petroleum/Encore heureux/I love you all/Faut pas s’y fier/J’étais là/On éteint/Les pieds nus/Si j’étais moi/La vie est belle/Oui-filles/Pise/Rue de la Paix/Adieu tristesse/Tais-toi/Des rails/Les lendemains qui déchantent/Tout le monde/Rodéo/Je suis un homme/Oui/J’envoie valser/Larsen
En première partie ? Ce soir-là, il y avait Neeskens. En guitare-voix, à l’ancienne. Comme la première fois où je l’avais écouté, il y a cinq ou six ans, au Café de la Danse. J’avais été bouleversée. C’était une autre vie, là aussi. Un beau reminder. Les chansons étaient nues et brutes, l’émotion est là mais la voix est assurée, plus affirmée. Pour moi, c’était aussi un espèce d’adieu. Parce que sans doute, des concerts comme ça, en guitare-voix de ce garçon, il n’y en aura plus jamais. Et là, c’est un travail de deuil qu’il va me falloir commencer. Pour de vrai, cette fois.