“Biskra, sortilèges d’une oasis”, un aperçu du paradis à l’Institut du monde arabe
EXPOSITION – L’institut du monde arabe consacre actuellement une exposition dépaysante sur la ville de Biskra, joyeux joyau du désert algérien. Rocknfool l’a vue, on te raconte ce voyage au paradis de la datte.
J’ai l’impression que l’Algérie devient à la mode. C’est ce que m’a dit mon père quand je lui ai parlé de l’exposition Biskra à l’Institut du Monde Arabe. A la mode, je ne sais pas. Je ne peux pas te dire. Mais, je ne peux qu’être ravie qu’on s’intéresse à la culture algérienne. A son paysage et à son histoire méconnue. Ou oubliée. Bref. Connais-tu Biskra ? Pas vraiment. Ce n’est pas la ville la plus connue d’Algérie, pourtant un joyau du pays, à 400 kilomètres au sud-est d’Alger. Une ville aux portes du désert, une oasis entourée de plantations de dattiers qui a longtemps passionné les artistes. Les peintres, les photographes et les écrivains.
Si cette passion s’est envolée avec l’indépendance de l’Algérie, l’IMA est là pour rappeler pourquoi cette oasis a attiré les artistes et les étrangers pendant des centaines d’années. L’exposition couvre une large période : 1844-2014. Et c’est un historien australien, natif de Biskra qui a voulu rendre ses lettres de noblesses à l’ensorcelante cité antique à travers une large documentation : tableaux, photos, cartes postales, plans, livres, affiches, enregistrements sonores de Bela Bartok et documents audiovisuels.
Dans une mise en scène qui rappelle le désert (mur couleur sable et colonne blanc cassé), l’Institut du Monde Arabe conte l’histoire de l’ancienne station thermale adorée des intellectuels, bourgeois et personnalités du monde artistique. Biskra, c’est une ville où le soleil tape si fort que le sable brûle sous les pieds. C’est aussi, une ville où étrangement, les maisons blanches et peu aménagées des Algériens respirent le frais. “Les intérieurs sont frais, admirablement disposés contre les rigueurs d’un soleil inexorable, le jour y pénètre parcimonieusement, jetant dans les réduits une clarté douce, un éclairage discret qui ajoute encore au calme mystérieux qui règne dans les habitations mauresques“, disait-on.
Biskra, Monte-Carlo du désert
C’est ici que la bourgeoisie française se massait pour profiter des services de cette station d’hivernage huppée. A l’époque coloniale, le jardin Landon, le grand casino et les hôtels de luxe faisaient de Biskra une destination touristique très prisée. Le commerce de la carte postale a explosé grâce notamment au tourisme et au charme de la cité. Ce n’est pas ce qui a attiré les artistes. Les peintres, écrivains et photographes. Mais plutôt les couleurs contrastées et le mythe oriental, comme on l’appelait.
C’est aussi cet orientalisme pittoresque qui ont titillé, plus tard, la curiosité des photographes et écrivains. Tous ont voulu capturer le quotidien des villageois, paysans, voyageurs et Touaregs avec leurs yeux d’Européens : les habitations sahariennes, l’Ecole coranique de Girardet, Le Caravansérail ou encore les paysages incroyables que seul le désert peut offrir. Pour d’autres, c’est le charme des« jolies femmes, venues pour la plupart des tribus sahariennes Ouled-Nayl… où les mœurs sont faciles, et dont les filles ont l’habitude d’aller chercher fortune dans les tribus environnantes” (Eugène Fromentin).
En déambulant dans la salle d’exposition, on peut admirer “Rue à Biskra” d’Henri Matisse (1906), son seul tableau peint en Algérie. Il l’appelait son voyage d’étude. Il a su capturer mieux que quiconque la beauté des palmiers, la lumière éclatante et les couleurs éclatantes. Biskra, c’est ça. Mais c’est surtout ce que voyait les artistes et les Européens. On regrettera de n’avoir que la vision des colons qui ne voyait dans l’oasis, que ses aspects exotiques, orientales. On ne voit Biskra qu’à travers les yeux du colonisateurs qui appelaient d’ailleurs Biskra, “le Monte-Carlo” du désert.
Dans cette représentation idyllique de la carte postale biskrite, on ne trouve que trois artistes natifs de la cité antique. Seul un tableau montre le “village nègre” de Biskra. Mais c’est un choix du commissaire de l’exposition : rappeler les mystères et les charmes de l’oasis et l’attrait qu’elle avait, autrefois, sur les artistes et les intellectuels européens avant la Guerre d’Algérie et les années de plombs. Si aujourd’hui, elle a perdu de sa superbe, Eugène Fromentin, Gustave Guillaumet, Henri Matisse ou encore Maurice Denis, Oscar Kokoschka, Henry Valensi l’ont immortalisée. Et l’exposition permet de lui rendre ses lettres de noblesses.L’Institut du Monde Arabe profite de l’occasion pour proposer “Habitation saharienne” de Gustave Guillaumet et “The Garden of Allah”, avec Marlene Dietrich. Preuve que Biskra faisait également fantasmé Hollywood.
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