Route du rock 2023 : éclectisme sonore en clap de fin
FESTIVAL – Déjà le dernier jour de cette édition 2023 de la Route du rock, aussi brillante que différente.
Après un 2e acte de Grand Blanc sur la plage, la Route du Rock reprend pour une dernière et épique soirée. Le fort de Saint-Père accueille les Londoniens de Sorry. Ils font partis de ceux qui ont sorti un premier album la pire année possible (aka 2020) et reviennent maintenant avec un deuxième, Anywhere But Here. T-shirt Elvis, chapeau boule à facette, sweats à capuche, le groupe semble user des nineties et de la tendance y2k avec un flegme et un humour tout britanniques. Leur musique indie drivée par le duo de guitare de Louis O’Bryen et Asha Lorenz trouvera son rythme quelques titres à peine avant la fin. À découvrir peut-être plus sûrement en salle qu’en début de journée de festival.
De Londres à New York City
Même pays, même génération, même précocité musicale, le duo de Jockstrap montre un tout autre visage sur la scène du fort. Ça commence fort, justement, avec Georgia Ellery tout en brillance qui joue les baby dolls sur des titres punchy, à côté du plus taciturne Taylor Skye derrière ses tables. Si la première partie du set aurait mérité la nuit comme accompagnement, l’ambiance change lorsque Ellery, croisée aussi dans Black Country New Road, attrape sa guitare. La polarité entre la volatilité de sa voix et l’ancrage électronique de Skye prend tout son sens et explique le succès de leur album I Love You Jennifer B.
Vendus comme du postpunk en 2018 à la sortie de leur premier album, Bodega montre à quel point cette étiquette n’a aucun sens. On comprend vite que leur musique est un melting pot d’influences qui auraient peut-être comme seul point commun leur origine : New York. On pense aux Strokes en voyant les guitaristes. On pense à LCD soundsystem pour le côté dance qui t’emporte irrémédiablement. Nikki Belfiglio, au centre, mène le show littéralement à la baguette (vert fluo) et finira par ironiser avec beaucoup d’assurance sur le fait qu’ils n’avaient pas joué sur scène depuis six mois. Ce qu’ils laisseront comme marque ? La création d’un hymne spécialement composé pour la route du rock. On le fredonne encore.
Les grands écarts de la Route du Rock
La tête d’affiche du jour s’appelle The Brian Jonestown Massacre, qu’on a plaisir à retrouver après leur set de 2018. Aussi mythique qu’à leur habitude, Anton Newcombe dans une élégante tenue blanche, colliers accumulés, chapeau à plumes suit et filme Joel Gion à son arrivée sur scène. Il chambre son compère deux ou trois fois, qui lui sera fidèle à lui-même en montant ses yeux au ciel dans décrocher un sourire. Mais ne nous y trompons pas. Le groupe règne en maître sur le fort, délivrant encore une grande leçon de psychélisme planant. La faute au génie perché Anton ? Oui peut-être mais aussi à Uri à la batterie et Ricky à la guitare ce soir.
Le grand écart de cette édition réside certainement dans l’enchaînement entre le BJM et Flohio. Petit bout de femme aux muscles tendus, elle débute sa verve avec force et brutalité. Elle annonce faire monter la tension et finira par écarter le micro au bout de trois chansons pour passer aux choses sérieuses. Pas étonnant qu’elle ait été estampillées nouvel espoir de la scène rap UK en 2019. Et vu la puissante vague qui s’abat sur le public mors de son set, on se demande encore pourquoi elle n’a pas encore changé de statut.
Jamie XX, lui, est devenu un grand nom de l’électro depuis un moment déjà. Dans le pit des photographes, la réaction aux premières secondes de son set est là même pour tous. On est balayé par les basses qui nous terrassent. Le temps de s’habituer et on finit par apercevoir la silhouette du garçon, penché sur ses moduleurs, concentré, attentif. Le s’est est radicalement coloré, varié et d’une efficacité sans nom. À en transformer le fort en dancefloor à ciel ouvert, boule à facettes en prime.
Fin d’une bien belle édition
Et c’est un duo de Floride, déjà croisé en première partie de Shame, qui clôturera la série de concert de cette édition, avant le dernier after à l’indie way. On retrouve Vonne et Dre, alias They Hate Change, montés sur ressorts, toujours à parcourir la scène de long en large, avec leur humour sans faille et leur flow bien huilé. La connivence est évidente et il est inutile de lutter. Ces deux-là ont tout ce qu’il faut pour devenir de grands noms du hip hop, à la fois pointu et accessibles aux plus frileux du genre.
Faut-il conclure sur cette édition ? Une réussite (25 000 personnes), une affiche osée (peu de très grosses pointures) mais toujours cohérente, avec son lot de découvertes et de grands noms. Un nouvel espace, l’Indie Way, pour chiller en soirée, et “douver” (comprendre danser dans les douves) lors des afters. Et une édition certes rock mais particulièrement dansante ! De quoi saisir, saison après saison, les évolutions d’un genre qui mérite définitivement qu’on ne l’oublie pas. Alors pour les amateurs de rock qui aiment les festivals à taille humaine, rendez-vous en 2024 !