Route du rock été 2024 : un samedi crescendo pour finir en beauté
ROUTE DU ROCK ÉTÉ 2024 – Malgré deux annulations, ce dernier jour a tenu toutes ses promesses. Et bien plus encore…
Après la pluie de la veille, il était temps de retrouver un temps sec pour profiter de la dernière journée de cette édition. Au programme, du changement. Entre le remplacement de José Gonzales par Timber Timbre et l’annulation le jour même de Beach Fossils, il a fallu composer. Et La Route du Rock a magnifiquement su garder l’esprit initial de la soirée : un démarrage en douceur avant une explosion finale.
Parenthèse folk au pays du rock
Clarissa Connelly hérite de la difficile mission d’ouvrir cette journée pour parer aux imprévus. Elle qui, avec ses deux musiciens, a joué sur la scène avec “la plus belle vue” possible (comprendre sur la plage arte concert) deux heures avant, doit maintenant enchaîner. Son set s’ouvre sur un son de cloche. Et elle commence par un chant de salutations et de remerciements, or so it seems. Et c’est très vite qu’on entend sonner ses origines. Celle qui vit au Danemark est née en Écosse, et son concert sera en fait un florilège de chants qui nous ramènent là-bas. Pas de cornemuse, mais une flûte, une guitare, un piano suffisent à recréer des ambiances nordiques obscures et parfois torturées, aux sonorités à mi-chemin entre le traditionnel et l’expérimentation. Des surprises comme on aime pour cette Route du rock été.
Là où on aurait dû enchaîner avec José Gonzales, on a droit à Timber Timbre. Taylor Kirk (en duo pour l’occasion) pose l’ambiance immédiatement en adressant un f*ck à la caméra Arte Concert qui le filme. Il nous explique avoir une “6 dollars haircut”, et être le “surrogate baby” de la soirée, malgré tout ses avertissements sur le fait qu’il allait faire des chansons déprimantes. Mais la Route du rock “avait trop besoin” de lui. Et c’est tant mieux pour nous. Parce que le canadien à l’humour caustique est surtout un folkeux comme on les adore. Une guitare. Une voix. Et de l’émotion. Il est rare d’avoir droit à un concert aussi épuré en pleine Route du Rock. Encore plus sur la grande scène. Et qu’un public de festival y soit si attentif… Et pourtant… Quelle beauté. Un moment hors du temps au soleil couchant.
La french touch met le fort en orbite
On reprend ensuite avec Astral Bakers, sorte de “super-groupe” parisien réunissant des artistes qu’on a déjà croisé avec d’autres. Sage, Theodora, Nico Lockhart, Zoé Hochberg avouent n’avoir jamais joué devant autant de monde avec ce projet, qui marque leur première route du rock. Peut-être pas la dernière, au vu de l’enthousiasme du public devant leur pop mélodique et joyeuse.
Mais le concert tant attendu, c’est celui des mythiques Air, venus jouer Moon Safari pour son 25e anniversaire. Quel beau moment. Dans leur “boîte” illuminée, le show est aussi visuel que musical. Et même pour les non-fans comme moi, impossible de rester de marbre devant ces morceaux qu’on a tant entendus et la ferveur créée dans le public. Mention toute spéciale pour “Highschool Lover”, thème d’un de mes films fétiches et probablement l’une des meilleures bande-son jamais composée. Et pour “New Star in the Sky” dont le fond était magnifique. C’est incontestable, qu’on aime ou pas, on ne pourra reconnaître qu’une chose : Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel ont composé des titres qui traversent les époques et mettent leur public en orbite. Merci.
Bières, clopes, slam et rock
Mais tout beaux qu’ils furent, ces concerts se sont grandement éloignés du rock. Et pour une Route du Rock, il faut veiller à ne pas faillir à son nom. On remet les choses dans le droit chemin avec les immenses Protomartyr. Déjà vus en 2018, on ne change pas une équipe qui gagne. Joe Casey se ramène toujours avec sa clope au bec et ses 3 canettes de bière au pied de son micro. La force de ce groupe depuis 6 albums ? Pour moi, la dualité entre le rock ultra mélodique et fracassant de la musique et la voix de Joe Casey, profonde, posée, au pics de rage toujours parfaitement placés. Le symbole de notre époque, un groupe capable de faire sauter de joie et crier de fureur. Et ça fait du bien.
On passe encore un step ensuite avec Meatbodies, trio qui transforme la fosse de la grande scène en piste de slam géante. Menés par Chad Ubovich, chanteur guitariste qui restera étrangement dans l’ombre en terme de lumière pendant tout le set (volontairement ou pas, ce sera la grande question), les trois musiciens vont complètement retourner le public. Ils me font immédiatement penser à un mélange entre Nirvana (le côté sur la brèche) et Howlin’ Jaws (la voix? le côté psyché ?), qui serait passé à la moulinette garage et stoner. Une sorte de cocktail explosif qui fait voler les bières, sauter les gens et suer la sécurité aux barrières ! Un seul mot : lourd.
La chenille de la Route du Rock été : un must do
Tout le monde était forcément en condition pour enchaîner sur une traditionnelle chenille, particulièrement magnifique cette année. Et quand la musique s’arrête et que la fête se transforme en applaudissements, on entend soudainement scandés quelques slogans de manifestation, “Macron démission” et “siamo tutti antifascisti” en tête. À croire que réunir des gens et les faire vivre un moment de joie tous ensemble fait émerger les mêmes constats, toujours. Et ça aussi, ça fait du bien.
Les vrais savent qu’il ne faut jamais partir après la chenille, même si on est tenté de finir sur une telle note. Et ceux qui restent seront récompensés avec Dame Area qui viendra clore cette soirée. Un duo italo-espagnol détonnant, à l’électro furieuse. Sylvia Konstance détonne par son énergie sauvage, accompagnée de Viktor L. Crux, concentré et intense. Les deux en face à face pour un set complètement cathartique (si la chenille n’avait pas suffit). Le genre de set qui nous vide et nous rend triste de se dire que c’est fini pour cette année…
Encore et toujours une édition qui a tenu toutes ses promesses. À l’an prochain.