Les variations hivernales de The Wooden Wolf à la Maison Bleue

LIVE REPORT – The Wooden Wolf a sorti Winter Variations Op.6, son nouvel album. Il fallait absolument célébrer cela en grandes pompes, par un concert à 5.

Le choix était cornélien. De nombreux concerts avaient lieu ce soir-là. De l’autre côté de la ville, c’était le génial groupe Freez qui célébrait la sortie de son EP Frame. Mais voilà, dire non à The Wooden Wolf qui célèbre la sortie de son nouvel album, Winter Variations, c’est un peu comme renier ses racines profondes. Plus encore quand on sait que le loup se déplaçait en meute à la Maison Bleue. Et il a beau être chaud, le mois de novembre n’en reste pas moins la source d’un profond besoin de belle musique. The Wooden Wolf, donc.

Meute au complet devant public passionné

La moitié de la salle s’assoit très vite devant la scène. Ce sont des connaisseurs qui sont là ce soir. Ils savent qu’un groupe comme The Wooden Wolf ne se regarde pas de face, comme le permettrait pourtant cette scène pas si haute. Ce groupe se regarde en levant les yeux, la tête un peu tournée vers le ciel, prêt à contempler un spectacle qui s’écoutera religieusement.

Pour l’Op.6 comme pour les autres, pas d’éclat, pas d’énorme fulgurance au milieu d’un set dont les variations seraient extrêmes. Point de montagnes russes, point d’éblouissement immédiat qui se tempérerait avec la longueur. Alex a le don de transformer toute salle en un intérieur accueillant et confortable, juste assez pour se sentir chez soi tout en sachant qu’on est en fait chez quelqu’un d’autre. Car c’est de cela qu’il s’agit ici. On explore l’intérieur d’un autre que nous, les pensées et les états d’âme d’un artiste qui se raconte ou raconte les autres avec une honnêteté désarmante. De ses textes personnels sublimes où il est question de vie ou de mort (“It Takes An Angel To Make A Ghost”, “Broken Night”) aux textes de Bukowski qu’il déclame ou chante (“Bluebird”), on serpente dans sa mélancolie et on plonge dans la nôtre.

La grâce des silences

Voilà le moment, variable pour chacun, rapide pour moi, où l’on se perd dans nos propres rivières intérieures. Avec pour seule fenêtre sur l’extérieur une magnifique “Four Bullets For Berta Cáceres”, on plonge de plus en plus profondément dans les méandres de nos propres ressentis, vers nos propres racines, guidés par le violoncelle de Marie, cette contrebasse incroyable d’Adam, les balais de la batterie de Cédric ou les expérimentations sonores de la guitare d’Hector. De la cuillère en bois à la bille sur les cordes, en passant par le ventilateur vibrateur de cordes, rien ne semble être laissé au hasard.

La délicatesse et la grâce du moment s’apprécient les yeux fermés sur “Winter”, ou “St. John’s prayer”, et lorsqu’on les ouvre, c’est souvent pour trouver Adam enlaçant son instrument avec douceur ou Marie penchée tendrement sur son violoncelle, les yeux tournés vers Alex. Rien, aucun bruit, aucune discussion, ne sera venu troubler le jeu des silences d’un groupe qui maîtrise mieux que jamais chaque variation sonore. Au point qu’il aura été difficile de s’en extraire le moment venu. Les variations hivernales de The Wooden Wolf nous ont eu.

Winter Variations Op.6, sortie le 16 novembre 2018 chez Deaf Rock Records

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