Gregory Alan Isakov : la force tranquille du folk contemporain
LIVE REPORT – Retour sur le concert de Gregory Alan Isakov à Montréal, au Théâtre Corona suite à la sortie de son dernier album “Evening Machines”. En première partie, Haley Heyndrickx. Une soirée magique.
Il neige quand je sors de chez moi direction le Théâtre Corona. Double couche de capuches sur la tête, je me dirige dans l’ouest de la ville. Pour une fois, le chaleur du Corona me réjouit quand je passe les portes. J’ai autant hâte d’assister à la première partie que de revoir Gregory Alan Isakov. Découverte récemment dans un road trip, Haley Heyndrickx m’avait tout de suite touchée. Quand je voyais il y a quelques mois qu’elle faisait la première partie de Gregory Alan Isakov, je me disais que le destin faisait définitivement bien les choses.
Seule à la guitare folk, la jeune Américaine se présente au Théâtre Corona vêtue d’un hoodie noir et de son téléphone dans la poche de son jean. Ce n’est pas sa première fois à Montréal mais c’est son dernier concert sur la tournée de Gregory Alan Isakov. Pendant 35 minutes elle égaye la salle de son humour pince sans rire et de son folk 60’s. Fille spirituelle de Joan Baez (les mêmes vibratos dans la voix on vous jure !) et de Kate Nash, Haley Heynderickx parvient à nous émouvoir avec des textes pleins de bons sentiments et d’ironie sur la vie de tous les jours. Des colocs à qui on n’ose pas parler, des insectes pénibles qui ne veulent pas sortir de chez soi, faire le choix entre un chien ou une maison…
Tout est finement amené et interprété avec grand sérieux, notamment une reprise politique de “Little Wheel Spin and Spin” de Buffy Sainte Marie. L’originaire de Portland conclue son set sur une note plus en levée avec “Oom Sha La La”, une expression de sa propre invention.
L’homme aux chansons tristes qui parlent de l’espace
La première qui me vient à l’esprit quand le concert de Gregory Alan Isakov se termine, et que je sors sous la pluie, c’est que je suis particulièrement heureuse. Le cœur gros d’émotions, qui vont de la reconnaissance à la joie la plus extrême. Je mets mon pied dans une flaque bien profonde mais qu’importe, rien ne peut me faire redescendre de ce concert d’un plus grands folkleux de notre époque.
Il ne vient pas souvent au Canada, reconnaît l’Américain. Pourtant, il fait bon vivre de ce côté de la frontière, dit-il calmement tout en se réaccordant. “On vient tous du Colorado, on se sent très internationaux” ajoute-t-il. De plus, ils ont eu de bons contacts avec les douaniers en traversant la frontière. Fait assez rare qui mérite d’être souligné.
Le Corona n’est pas complètement plein, mais le public est attentif et la fosse silencieuse. L’Américain débarque dans un halo de lumière, et commence seul avec sa guitare “She’s Always Takes It Back” avant que ses cinq musiciens ne le rejoignent. Alternant de nouvelles chansons tirées de son dernier album Evening Machines (“Chemicals”, “San Luis”, “Dark, dark dark”, “Caves”,”Berth”) à ses titres phares (“Big Black Car”, “Amsterdam”, “Dandelion Wine”, “Liars”) le set est bien construit, les chansons s’enchaînent, les mélodies et les harmonies sont superbes. Le son est rond, englobant chaque ligne instrumentale, acoustique et électrique. L’artiste explique qu’il ne souhaite pas ruiner ce beau silence en parlant trop. Tout va aller crescendo, avec la petite pause guitare-voix du milieu du set qui vient nous faire dresser les poils (“Master and a Hound”).
Dans la galaxie Isakov
Alignés en demi-cercle au milieu de la scène, Gregory Alan Isakov est entourés de ses musiciens habituels : violon, contrebasse/basse, guitare/banjo, batterie et clavier/violoncelle. Ensemble, ils ont travaillé cet album, et écrit plus de 40 chansons. Douze ont été retenues pour figurer sur Evening Machines leur nouvel album dont on avait déjà entendu certaines chansons pendant sa tournée en solo avec Passenger.
Gregory Alan Isakov raconte qu’à Paris justement, une dame lui avait demandé quel était le genre de musique qu’il faisait. Sa réponse ? “Des chansons tristes sur l’espace”. Naturellement, il enchaîne avec “The Universe” et demande à ce que l’on plonge le Corona dans le noir. Nos oreilles se concentrent sur chaque subtilité offerte par cette expérience sensorielle. La vue ne nous est plus d’aucune utilité. Déstabilisant mais tout à fait merveilleux.
Pour le rappel, il appelle Leif Vollebekk, son Montréalais préféré, à le rejoindre sur scène pour leur duo Springsteen (“Dry Lightning”). Amusé, il explique que Leif et lui partagent beaucoup de points en commun, notamment la passion paternelle pour Bruce Springsteen. Une chanson que l’on avait déjà eu la chance d’entendre à Paris, au Pop-Up du Label. Leif Vollebekk faisait alors la première partie pour son ami. Pour conclure en beauté, et comme d’habitude, tout le band se retrouve en acoustique autour d’un même micro avec “All Shades of Blue”. Que dire de plus ? Gregory Alan Isakov est un magicien. Un grand.
Photos : Emma Shindo