Chronique nocturne : Black Keys, blues au coeur et mauvais coup

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Chez Rocknfool, avec Mathilde, quand on se parle de Black Keys, c’est toujours en termes amoureux, romantiques voire même crus. Et malheureusement nostalgiques. On a aimé très fort ce groupe chacune de notre côté avant de se rendre compte qu’il a marqué nos vies à des époques différentes mais dans des moments finalement assez similaires. D’ailleurs, quand on s’en parle, on comprend toujours où l’on veut en venir. Disons que Black Keys, c’est comme cet amant commun qui a partagé nos vies à des instants précis. L’amant étant très beau et un peu volage, il a aussi fricoté à droite et à gauche, si bien que lorsqu’il est revenu dans nos bras : on ne l’a plus jamais reconnu. Quelque chose était cassé. Mais comme on l’aime et qu’on ne peut s’empêcher de regarder dans le rétro en pensant aux bons moments passés, on lui redonne constamment une chance. Avec Turn Blue, on se disait que le groupe était à un croisement et avait le choix entre deux chemins à prendre : a) profiter de la vague du succès ouverte grâce à “Lonely Boy” et El Camino pour montrer ce qu’était vraiment les Black Keys, à savoir ce groupe de rock qui trouvait sa source dans le blues b) avancer encore plus la route du succès en oubliant le blues garage et rouler un peu plus vers la pop.

Chéri a fait le mauvais choix. Le moteur a vrombi et dans un nuage de fumée, la caisse des Black Keys a préféré disparaître sur la pop road. Nous, on est restées sur le bord de l’autoroute et il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer. Avec Turn Blue, on était prêtes à pardonner les infidélités, les errances, les envies d’ailleurs. On ne demandait qu’une chose : retomber amoureuse du bel amant. Et d’ailleursça commençait bien : “Weight of Love” est une splendide ouverture de sept minutes. Ok, c’est long pour un premier titre mais ça en impose. On retrouve le son bluesy et sexy qui était jusque-là leur marque de fabrique. Pas trop propre, génialement construit et un solo de guitare (Dieu quel solo!) comme on aime. Mais, sans doute était-ce une façon de dire, “tu vois, ça c’était avant. The Black Keys, maintenant c’est ce qui vient”.

Ce qui vient ?

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Un album dans lequel les garçons ont tout fait sauf mettre les mains dans le cambouis. A commencer par faire un détour dans les années 70 pour surfer sur la vague du rock psyché. Alors oui c’est mélodieux et c’est mélancolique, Dan y parle sans cesse de son divorce douloureux, mais sa guitare elle, et muselée. Elle manque clairement de rugosité, de riffs sexy, elle est inoffensive. La batterie de Pat s’est ramollie et a aussi perdu de sa superbe. “Fever” se révèle toujours aussi insupportable , la faute à ce synthé omniprésent. “It’s up to you” aurait pu être sympa si seulement on n’avait pas l’impression que les garçons ont trop écouté les Rolling Stones, même chose pour “In Our Prime” labellisé Beatles ? Quant à “Bullet in the Brain” ou encore “10 Lovers”, il semblerait que ce soit davantage des morceaux de Broken Bells (coucou le producteur Danger Mouse) que des titres signés Black Keys. Déception encore une fois. Les titres sont “sympathiques”, l’album est “estival” si tu veux même. Ce qui signifie qu’une fois l’été passé, on n’entendra absolument plus parler de cette galette qui finira aux oubliettes tellement elle n’a rien de marquant. Pas sèche. Sans relief.  Même s’il y a du mieux par rapport à l’insupportable El Camino calibré pour faire danser les salles de concerts et les festivals. Pourtant, Pat et Dan jurent que Turn Blue est le miroir de Brothers. On dira plutôt “chute”. On a l’impression d’entendre les chansons ratées de Brothers, celles qui semblaient trop pop pour être sur l’un de leurs meilleurs albums. Et leur dernier grand album. Black Keys est mort… Et non, en bonnes fans frustrées du début, on ne dira pas vive les Black Keys, on est trop occupées à se réécouter les vieux albums et à se remémorer le bon vieux temps comme des veuves éplorées.

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