“La Beauté du monde” : Adrien Billet, soudeur la semaine, alpiniste le week-end

BÉDÉ – Dans “La Beauté du monde”, une bande dessinée de 80 pages, Julia Billet raconte l’histoire de son père Adrien, ouvrier la semaine, alpiniste le week-end.

Ça fait un petit bout que je ne vous ai pas parlé de bd. Tout à l’heure, j’ai dévoré La Beauté du monde de Julia Billet et Jérôme Ruillier aux éditions L’Agrume. La première moitié dans un bus, la seconde dans le métro. Les transports en commun reste à ce jour, pour moi, le meilleur endroit pour me plonger dans une lecture. Que ce soit un roman, ou une bande dessinée. N’importe quel type de fiction capable de me faire oublier ces moments d’immobilité forcée.

De l’usine à la montagne

Julia Billet est la fille d’Adrien Billet. Ouvrier d’1m90, féru d’escalade et d’alpinisme, il s’est illustré à son échelle dans les années 1940-1950. Dans le contexte historique ambigu post Seconde Guerre mondiale en France. La relance économique etc. Délégué syndical et soudeur-ajusteur dans l’usine Schartz-Hautmont de Houilles, Adrien Billet est un antihéros. Il est d’abord un père travaillant plus de 11 mois par an dans une usine. Un père profitant de ses fins de semaine et de ses quelques jours de congés payés pour partir à Fontainebleau ou à Chamonix. En compagnie de collègues et d’amis, juste pour le plaisir d’escalader. Parfois avec sa fille. Pour le plaisir de prendre l’air loin des machines.

Un as de père qui a marqué modestement l’alpinisme de son nom en ouvrant notamment une voie dans les Alpes en 1954. On découvre le peu de matériel que la cordée avait alors, et on est ébahis devant ces conditions précaires qui précèdent la performance ou l’exploit.

Le portrait d’un père

Un père qui finit par remplacer des cordes par des verres de vin dans ses paumes. À travers cette brève histoire de famille, de relation père-fille, Julia Billet raconte le développement des activités sportives dans les balbutiements des premiers comités d’entreprises. Des grandes firmes qui voyaient en ces clubs ouvriers un moyen d’augmenter la productivité de ses activités. Le sport ayant des répercussions positives sur le travail d’équipe, la solidarité entre collègues et le mental de l’ouvrier.

Le récit est raconté à la première personne du singulier. Il est illustré avec délicatesse et poésie avec un côté enfantin. Des photos personnelles d’archive familiale viennent s’entremêler à des séquences aux crayons à mine plutôt intenses. Du bicolore uniquement. On sent chaque mouvements de poignet que Jérôme Ruillier a dû faire pour remplir telle route, tel paysage montagneux. Cela apporte une forme de rugosité aussi bien qu’une appréciable simplicité. On retrouve aussi un côté Le Photographe avec photos d’archive qui nous permettent de mettre un visage sur un dessin. Une émotion sur un sommet.

La Beauté du monde ne fait que 80 pages, à ma grande tristesse. C’est un peu court. On a à peine le temps de s’attacher au père, que la narratrice nous laisse avec plusieurs coupures de presse, avant de conclure. J’en aurais aimé plus, quitte à faire de cet épilogue historique un chapitre à part entière dans le roman graphique. Je reste presque sur ma faim, à la fois ravie d’avoir appris à découvrir ce pan de la vie ouvrière dont je ne soupçonnais pas l’existence, à la fois un peu déçue de ne pas en avoir appris encore plus.


La Beauté du monde
Julia Billet et Jérôme Ruillier
L’Agrume
80 pages, 16€