Tamino, si lumineux prince d’Egypte
LIVE-REPORT – Le velours de l’Olympia était l’écrin parfait pour Tamino. Ambiance calfeutrée à cheval entre deux continents.
Leonard Cohen a dit : « There is a crack in everything, that’s how the light gets in ». Tamino est cette lumière. Même s’il est tout vêtu de noir sur scène, et que sa longue silhouette longiligne se fond dans l’obscur-clarté de l’Olympia. Il est la lumière.
Ce qui est fascinant avec ce garçon de 23 ans, c’est que sa musique fait le même effet à chaque écoute. Les émotions sont les mêmes. Les frissons sont toujours là. Sa voix si pure provoque la même stupeur. C’est comme si notre cerveau, reprogrammé, s’est coincé dans une loop temporelle. Et qu’il redécouvre à nouveau des sonorités inédites.
Expérience extra-sensorielle
Entendre les notes d’”Intervals”, de “Habibi”, de “Sun May Shine” ou d’”Indigo Night” reste une expérience extra-sensorielle. Un courant d’électricité parcourt le long de l’échine. Et puis, un frisson. Les yeux se bordent de larmes, le cœur se serre avant de battre à la chamade. On est frappé puis happé et émerveillé. Par la voix, la fluidité, la puissance, la chaleur, l’aisance. Et enfin, un sentiment de bonheur intense naît en nous. C’est le coup de foudre, une nouvelle fois. A chaque fois. Je soupçonne Tamino d’être un hypnotiseur, un enchanteur. Un ange tombé du ciel. La lumière dans cette époque gangrenée par des cadres rigides, de la musique aseptisée, des peurs irrationnelles ou rationnelles d’ailleurs, des codes complètement idiots.
A chaque passage sur scène, la musique de Tamino s’étoffe et prend de l’ampleur. A l’Olympia, on était loin de l’ambiance calfeutrée et intimiste du Point Éphémère. Il y a un sentiment de jalousie qui naît bien sûr. Maintenant, il faut partager la musique de Tamino avec beaucoup plus de monde. Il y a plus de téléphones qui filment. Plus de cris qui résonnent entre les chansons, au mauvais moment parfois. C’est la rançon de la gloire mais un faible prix à payer.
Le temps suspendu
J’ai passé la plus grande partie du concert les yeux fermés. Comme pour me rappeler, justement, le Point Éphémère. Parce qu’il n’y avait pas de lumières. Par moments, on ne l’apercevait même plus. Ce soir-là, je me rappelle avoir pensé que cette configuration était parfaite parce qu’elle nous permettait une chose : se concentrer sur la musique. Uniquement sur la musique. A l’Olympia, c’est différent. La scène est beaucoup plus éclairée, les jeux de lumières plus intenses. Par forcément nécessaires. Et pour vivre l’expérience à fond, j’ai préféré fermer les yeux. De toute manière, il y a trop de monde pour apercevoir quoique ce soit. Autant se concentrer sur la musique. C’est le meilleur moyen pour se laisser envahir par l’univers délicat de Tamino, par l’atmosphère mélancolique et lumineuse.
Il y a toujours cette impression qu’il ne chante rien que pour nous et nous seul. D’ailleurs, c’est en solo à la guitare qu’il commence son concert. Le décor est planté. Le public est déjà suspendu à ses lèvres. Le temps aussi. Puis, il est rejoint par ses musiciens. Il y a quelques mois, ils étaient trois, désormais, ils sont six. Et la belle surprise : Colin Greenwood est là. La touche radioheadienne supplémentaire. Les compositions s’étirent. Elles se font plus contemplatives, plus hypnotiques.
Lawrence d’Arabie
Les teintes arabisantes ne sont plus des reflets. C’est une direction désormais plus affirmée. Sur la scène, un joueur de oud (luth oriental) et une flûte apportent une autre dimension. “Each Time” devient une invitation à se perdre dans le désert du Sahara, chanter avec des touaregs. La bande-son moderne de “Lawrence d’Arabie”.
Mes origines sont de l’autre côté de la Méditerranée. J’ai grandi avec Idir et Matoub Lounès. Enfant, j’ai entendu des centaines de fois la chanson « Vava Inouva ». Et entendre ces sonorités orientales m’ont ramené des années en arrière. C’est sans doute pour ça que la musique de Tamino me touche autant. Parce qu’elle parle à mon passé et à mon présent. Elle fait écho à mes racines, à mes origines. Et parce qu’elle me rappelle Jeff Buckley et Tom Yorke, Radiohead. Il parle à mes deux facettes.
L’importance des racines
Il y a peu d’artistes qui font le trait d’union entre deux continents, entre deux cultures. On a tendance à gommer ses racines, pour fondre dans la masse. Mon grand-père disait qu’un individu qui oublie ses origines, c’est comme un arbre sans racine, il ne peut pas grandir. Avec le temps, j’ai compris ce qu’il voulait dire. Ce n’est pas un fardeau mais une force. A fur et à mesure qu’il se produit sur scène, Tamino embrasse davantage ses origines égyptiennes et elles deviennent sa force. C’est sans doute pour cette raison qu’à l’Olympia, il avait l’air plus imposant, plus assuré, plus magnétique que jamais. Même si par instant, pendant une poignée de seconde, la timidité, la jeunesse reprennent le pas. Ça lui arrive quand il finit par ouvrir les yeux.
A l’Olympia, on était loin de l’ambiance calfeutrée et intimiste du Point Éphémère. Il y a un sentiment de jalousie qui naît. Mais, il y a aussi du contentement. On est heureux de voir que d’autres personnes ont pu être touchées par le timbre de voix brut, les teintes orientales, les compositions aériennes, la tendre mélancolie, la pureté, la sacralité et l’authenticité qu’il dégage. Les sept piliers de la sagesse. Je ne sais pas si l’humanité mérite un tel être céleste. Mais on est heureux qu’il soit là. Et qu’il croise notre chemin.
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