Détonation 2021 : hybridation musicale et retour en force des Anglais

FESTIVAL – Ils nous ont convaincus de faire le déplacement : Shame était de retour en France, à Détonation, vendredi soir. L’occasion de découvrir quelques groupes au passage.

On était content que les festivals reprennent. À Décibulles, on était content, vraiment. La musique live, la chaleur humaine, l’enthousiasme partagé. Mais il manquait quelque chose. Il manquait les groupes anglais. Le rock, la rage, la classe, le son, l’énergie si particulière de ces groupes d’Outre-Manche devenus absents de nombre de programmations, Covid feat. Brexit oblige. Alors quand on a vu Shame à l’affiche du festival Détonation en cette fin septembre, on a sauté sur l’occasion.

Parce qu’en plus d’être un groupe anglais plus que talentueux, Shame est aussi un de nos groupes chouchous, de ceux qu’on aime d’amour depuis la première rencontre, et sur qui on garde un œil, toujours. Mais un concert pareil, ça se mérite. Et il aura fallu suivre quelques autres concerts ce vendredi pour arriver jusqu’à Shame.

Musiques hybrides et ambiances dansantes pour ce Détonation

On passera sur Min-Deed qu’on n’a pas vraiment pris le temps d’écouter, parce que nos poumons n’ont pas trop trop supporté les vibrations des basses beaucoup trop fortes pour nous, pour arriver directement à Super Parquet. Le qualificatif de “transe auvergnate” qui leur avait été donné a eu le mérite d’aiguiser notre curiosité. Et pour tout dire, ce qualificatif a été diablement bien trouvé. Un banjo, une cornemuse, de l’électro. L’association wtf par excellence, qui a ravivé chez le public des envies de danses en rondes. Un moment inattendu en festival.

Ensuite, on choisit d’aller jeter une oreille du côté de Delgres. Il semblerait que la soirée soit définitivement à placer sous le signe des musiques hybrides, puisque Delgres mélange allégrement blues, rock et rythmes caribéens. Et là encore, on a le plaisir de trouver sur scène un instrument qu’on voit peu en festival : le soubassophone. À regarder le public, la formation fait l’unanimité, puisque le combo musique et interventions engagées contre l’esclavage du chanteur Pascal Danaë, fait danser et sauter les troupes. Peut-être une occasion pour le groupe de faire découvrir en musique le rôle de Louis Delgrès, anti-esclavagiste antillais qui a inspiré leur nom…

Des têtes d’affiche qui ne déçoivent pas

Retour du côté de la grande scène pour Selah Sue. Le set commence par l’entrée de quelques musiciens. Sa voix commence pourtant à retentir, mais du côté des coulisses, où elle reste cachée, chantant face à ses choristes derrière le rideau. Lorsqu’elle débarque enfin, c’est avec un grand sourire et une joie non dissimulée. Elle le dira elle-même un peu plus tard, c’est un plaisir que de rejouer enfin en festival, debout et sans masque. Côté setlist, elle oscille entre anciens titres phares (“Ragamuffin”, “Alone”) et titres plus récents issus de son EP Bedroom. Forcément, la différence se fait sentir entre ces rythmes qui font danser et sur lesquels choristes et musiciens développent de riches nappes sonores, et les mélodies plus intimistes en guitare acoustique. Mais dans les deux cas, c’est toujours la même Selah Sue qui rayonne d’une énergie solaire qu’on retrouve. Un peu comme au bon vieux temps.

Ni l’électro pop de Franky Gogo, ni le rock mêlé de cumbia (musiques hybrides, thème de la soirée on vous a dit) de Xixa n’auront réussi à nous occuper avant l’arrivée de Shame. Trop d’impatience, surtout quand on voit le groupe venir faire quelques balances pendant tout cela. Alors on profite que la fosse soit vide pour se préparer aux retrouvailles. Et quelles retrouvailles…

Le punk, les pogos, la sueur

Shame, Shame, Shame… Est-il nécessaire de présenter à nouveau ce groupe ? 5 anglais de 25 ans à tout casser, qui ont une juste définition de ce que doit être un concert de punk et évolue depuis quelques années sans vraiment concéder quoique ce soit à cette vision. J’ai un souvenir précis de la première fois où je les ai vus. L’énergie. L’envie d’en découdre. Le rôle de chacun dans le déroulement du concert. Rien n’a changé de ce côté-là. Ils ont juste diablement pris en assurance et en efficacité.

Charlie Forbes est toujours le roc rythmique sur son estrade et derrière ses fûts, assurant d’un regard la communication avec ses compères. Eddie Green et Sean Coyle-Smith restent les discrets mais puissants guides mélodiques, à chaque extrémité, aux guitares. Ce sont sans aucun doute eux qui ont le plus pris en profondeur et en maturité de jeu. Josh Finerty est toujours l’électron libre derrière sa basse, qui parcourt des kilomètres en courant et sautant partout sur scène. Celui sans qui Shame risquerait de se prendre trop au sérieux, celui qui nous contamine de cette excitation électrique et qui convoque ce qu’il y a de plus joyeux en nous. Et puis il y a Charlie Steen.

Les mêmes mais en mieux

Lui aussi, a gardé sa place. Lui aussi, a évolué plus loin mais toujours sur le même chemin. Je l’ai toujours décrit comme un mec avec l’énergie d’un boxeur rentrant sur un ring. La détermination dans le regard : toujours là dès l’entrée sur “Alphabet”. La provocation au coin des lèvres : toujours là, dans son air de dire au public “alors, c’est tout ce dont vous êtes capables ?”. La rage au ventre : toujours là comme dans “Tasteless”. Toujours là quand il saute dans le public et déchire sa chemise. Toujours là quand il s’accroupit face à la foule pour se gaver de ce qu’il se passe en face. Toujours là.

Pas un moment de creux dans ce set où le groupe a habilement navigué entre frénésie punk et diatribes plus calmes pour laisser au public quelques minutes pour se remettre sur pied. Un public qui en voulait toujours plus, et attendait désespérément un rappel. Mais quoi faire d’un rappel quand le groupe finit sur “Station Wagon” ? La preuve s’il en était de leur évolution de ces quelques années : un titre sous forme de montée en puissance, qui prouve toute la maîtrise, et tout le chemin qui se dessine encore devant eux. On avait misé sur eux pour “10 minimum”. Ca fait 5 ans. À mi-parcours, on n’a qu’une chose à dire. ENCORE.