Vive le roi ! Vive Gab Bouchard !
COMPTE RENDU – Sold out au Corona. Gab Bouchard et ses invités mettent le feu au théâtre.
Marco Ema (ex Marc-Antoine Beaudoin) est apparu seul en première partie : “je sais, je sais, qu’il a dit, c’est pas mon public, c’est le public de Gab Bouchard”. Car l’enthousiasme débordait déjà pour celui en tête d’affiche, celui qui venait montrer ses morceaux nouveaux. Grafignes. Marco Ema en a donc profité pour essayer sa guitare et son Où nos corps s’en vont mourir, en répétant que c’était pas son public, c’était le public de Gab Bouchard… Était-ce si dur de se faire entendre ?
Plus de bleach, toujours la moustache
… la poussière du passé, les notes discordantes, le chœur, les cymbales submergées de lumières violement bariolées, parfois de bleu, de vert, de jaune mais souvent de la couleur du sang, des griffes, nous arrivent confondus comme le cri de la foule dans la fermentation de l’humidité de la salle. L’écho du vieux monde, le bruit des basses s’enchevêtrent : le plancher craque, tremble, les paroles sont équivoques. C’est que le Théâtre Corona est un vieux théâtre, certes ; mais le flux et le reflux de la jeunesse, l’apparition continuelle de nouvelles idoles sur ses planches lui donne toujours ses raisons de sonner comme il sonne.
C’est le tumulte, la vie ondulante du parterre en somme qui est l’élément générateur de la musique, qui crée la musique. Rock, pop, indie, qu’importe. Celui qui a révolutionné deux ans auparavant la coupe champignon est bien celui qui, en ce vendredi 9 septembre 2022, commence à entrevoir peu à peu l’aube de sa propre forme.
Maintenant plus de bleach : une camisole blanche. Aussi des cheveux noirs, longs, des bras nus qu’on voit croisés sur la pochette sombre de son nouvel album Grafignes. Clair, obscur. Si Gab Bouchard garde sa moustache, c’est parce qu’elle assure la continuité directe entre deux époques. Thierry Larose, Valence, même chose : l’influence lennonienne règne, façonne.
La force du passé, l’héritage, entrave peut-être encore trop sa marche vers sa liberté, vers l’œuvre achevée. Car la pop naît de liberté et meurt par elle. Il faudra donc attendre. Mais pendant ce temps, la foule l’acclame, gueule, fait la file jusqu’au coin de la rue Notre-Dame.
Le roi Bouchard
Valence, qui était parmi ceux qui étaient des invités ce soir-là, tout comme Vincent Vallière et Marie-Pierre Arthur, a dit avant de commencer : “j’ai rêvé dernièrement que Gab était roi…”
Fourberie ? Humilité ? Il faudrait demander à Shakespeare… Chose sûre : un “couronnement” ! Parce que Gab Bouchard, proclamation en main, a agi comme le plus humain des monarques en donnant son cachet à la fondation Evenko. Applaudissements : vive le roi ! Coup de tambour, la danse continue.
Noyé pendant plus de deux heures de musique sous d’incandescentes alluvions humaines, Gab Bouchard a fini seul, sous le spotlight. “Triste pareil”. Triste pareil oui, en effet… Car revenir à l’obscurité après autant de lumière, autant de bruits et d’acclamations, c’est revenir entendre de près ses grafignes, le gémissement de l’art. Quand Gab Bouchard apparaîtra au panthéon des légendes du Québec, les relèves musicales s’apercevront peut-être qu’elles sont marquées de son empreinte, de ses grafignes…
Grafignes – Gab Bouchard (Bravo musique)
Texte : LaMousse / Photos : Emma Shindo
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