Thaïs lance “Personne” ou comment danser sur parquet et dans ses pensées
COMPTE RENDU — On a assisté au lancement de “Personne”, le nouvel album de thaïs à la Casa del Popolo. On vous raconte.
Un mercredi soir à Montréal. Une journée de printemps québécois qui nous fait espérer à plus de beaux jours. La “Main” et ses guirlandes lumineuses sont assez poétiques en ce début de soirée. Au loin, le coucher du soleil éclaire de rose et orange les buildings.
Ça fait des années qu’on n’est pas venu prendre un ginto’ à la Casa del Popolo, les souvenirs remontent (en vrai, la veille si je suis honnête, puisque j’ai confondu la date du concert, mais ça reste entre nous). Le lancement de thaïs originellement prévu à la Sotterenea a été déplacé quelques mètres plus loin. On suppose que c’était une question technique ou de billetterie. Difficile de remplir des salles ces derniers temps.
Christian Sean, le prélude mystique

En première partie, Christian Sean débarque sur scène sans se faire remarquer. Le sourire et le pas timides qu’il esquissait en bas des marches se transforment vite en assurance d’un one-man show électronique rodé. Cheveux bouclés détachés, tout de noir vêtu, plateformes aux pieds, l’artiste est entouré de machines. Il manie son micro filaire tel un ruban de gymnastique rythmique.
Les arrangements sont rarement épurés, les rythmes variés et entraînants. Sa voix soprane douce et mélodique est gonflée de réverb’, souvent soutenue par de nombreuses vocal tracks. Les orgues vibrent, les basses font palpiter les cœurs (littéralement) et on entend des réminiscences d’un Prince mixé au duo berlinois Howling. C’est franchement pas inintéressant, bien que sans doute un peu trop tôt dans la soirée. Son premier album Hallelujah Showers est sorti début 2025 (Bonsound). Il y a quelque semaines, il ouvrait les concerts de Zaho de Sagazan lors de sa tournée canadienne. Prometteur.
Bienvenue au thaïs’ Nightclub
La star de la soirée c’est thaïs. D’ailleurs, elle arrive sur scène avec des lunettes de soleil (qu’elle va vite retirer, il fait déjà assez sombre). La tenue noire est de saison, mais sans manche cette fois-ci pour thaïs et Jay Essiambre (La Faune), son acolyte-ami-accompagnateur multi-instrumentiste. Une dizaine de néons qui palpitent et changent de couleur au gré des chansons encerclent le duo. Ajoutons le flash qui crépite, nous chatouille les rétines et ajoute à l’effet stroboscopique. On est bien boîte de nuit. Ou au Nightclub (permettons-nous, désolée loi 101), titre d’une des chansons de Personne, le nouvel album de thaïs qu’elle est venue lancer avec son public ce soir.

Thaïs le redit : elle fait de la musique extravertie pour les introvertis. Le public de la Casa del Popolo est bien intentionné, plutôt jeune et extraverti d’ailleurs. Plusieurs bouches scandent les paroles et des encouragements enthousiastes sont criés à l’artiste. La jeune femme a une voix singulière, un timbre à la Vanessa Paradis et Cœur de Pirate. (Béatrice Martin qui l’a d’ailleurs prise sous son aile en lui offrant de faire plusieurs de ses premières parties). Comme beaucoup, la différence entre la voix parlée et chantée est frappante.
Pleurer et danser dans la Casa
On se souvient de thaïs lors de son passage aux Francouvertes en 2020. Elle avait la dure tâche de passer entre Kanen et Valence. On avait écrit qu’elle était discrète… Que de changements avec la thaïs de 2025 qui se meut sur scène avec confiance et aisance, venant même chercher le public (tout acquis à sa cause) sur le devant de la scène. Malgré quelques prises de parole un brin maladroites, on y perçoit plus de l’excitation et du bon stress. Un lancement est toujours une soirée spéciale pour les artistes, ça les rend d’autant plus touchants.
Elle interprète tour à tour les titres de son nouvel album (presque dans l’ordre de l’album) en racontant quelques anecdotes. Elle invite même sur scène l’artiste française Brö, de passage à Montréal, qui vient chanter “Désirs” avec elle. Chouette occasion !
Après “Taxi”, thaïs lance émue “dans le taxi je pleure, mais dans la Casa del Popolo je pleure aussi”. Il fait chaud dans la salle, et si le but était de reproduire une boîte de nuit sombre et moite, on met la note de 11/10. Les premiers rangs dansent, le fond gigote, et j’avoue qu’en raison du manque de place vers l’avant-scène, tous mes plus beaux moves de danse se font dans mes pensées (je vous entends rire). Exactement comme dans “Arrête de danser” (vous me voyiez venir avec mes gros sabots ?). La dernière chanson du rappel dont le refrain répète “arrête de danser dans mes pensées…” clôture définitivement le lancement.
On ressort de la salle en sueur. Il y a ceux qui ont dansé sur le parquet qui a tremblé, ceux qui ont crié, ceux qui ont chanté, et ceux qui ont chaloupé dans leurs pensées.
Thaïs – Personne (Bravo musique)
Texte : Emma Shindo – Photos : François Vautour