Isaac Gracie / Fenne Lily : des premiers albums symptomatiques d’une industrie qui n’a rien compris
DEBUT ALBUM – Retour sur les premiers albums des artistes anglais Fenne Lily et Isaac Gracie. Entre chronique et billet d’humeur, on t’explique ce qui cloche.
Cela fait un mois qu’ils sont sortis. “On Hold” pour Fenne Lily, et “Isaac Gracie” pour l’artiste du même nom. Les premiers albums, ceux qu’on attendait impatiemment. J’étais prête à les chroniquer aussi vite que possible. Jusqu’à ce que je les découvre.
De l’EP au LP
Si tu es un habitué du site, tu sais qu’on les suit depuis un moment. Depuis leurs EPs, en fait. Des EPs imparfaits, courts, mais prometteurs. Des démos et de la simplicité. Des chansons un peu rudes, surtout dépouillées. Et tu sais bien, toi, qu’on aime ça par ici. Je n’ai jamais tenu rigueur aux artistes des imperfections de leurs débuts. Le manque d’expérience et de calibrage, j’appelle ça de la pureté. C’est là qu’on trouve finalement l’ADN de l’univers qu’on découvre. Au fin fond de ces EPs là. Moi c’est ça qui me fait tomber amoureuse définitivement. Même quand c’est pas le premier truc que je découvre. Ghinzu et son “Electronic Jacuzzi”, que j’ai découvert après le parfait “Blow”… Plus récemment, Dan Owen et son ancien projet Blues Boy Dan, que j’ai découvert après ses chansons plus “radio” que j’adore… C’est ça qui finit toujours de me séduire complètement. Qui transforme le coup de cœur en amour. J’y peux rien. Les débuts me font comprendre le reste.
Mais le problème actuel, c’est ce qu’on fait après les débuts. Ce sont ces myriades d’EPs qui sortent. Les artistes indépendants n’ont pas tous la thune ou l’envie ou la patience de sortir un LP tout de suite. Je comprends. Pas grave. On s’en fout du format. Je dirais même que la longueur des EPs correspondent vachement plus à ce qu’il faut, pour découvrir un artiste. C’est court mais ça dit l’essentiel. Droit au but. On ne tergiverse pas. Longtemps, c’est le single qui remplissait ce rôle-là, puis le premier album, si tu voulais en découvrir plus. Là, le terme de “debut album” avait encore du sens. C’était avant le mp3, le streaming et consort. Ça a évolué. Mais pas complètement.
Si peu de nouveauté
Tout le monde a désormais compris le rôle de l’EP. Personne en revanche n’a compris l’évolution que devait suivre le premier LP. Celui de Fenne Lily et celui d’Isaac Gracie en sont les exemples les plus criants. Leur LP est devenu un EP amélioré. On prend les mêmes et on complète. On réarrange éventuellement, pour bien lier le tout, peut-être pour donner l’impression qu’on a retravaillé l’essentiel. Ok. Mais non. Ça ne fonctionne pas. Encore moins quand on te nourrit de singles indigestes à raison d’un par semaine jusqu’à la date de sortie (j’exagère à peine).
Avec quoi l’auditeur se retrouve-t-il, quand il découvre le LP ? Du réchauffé. Si peu de neuf que tu as envie d’enchaîner les titres pour essayer de trouver celui que tu ne connais pas. Seuls 3 titres m’étaient inconnus sur l’album d’Isaac. 3 sur 11, pour un premier album. En quoi est-ce encore un premier album, quand ce n’est pas lui qui te permet de découvrir l’univers d’un artiste ? Ni même de le creuser d’ailleurs ? Parce que, qu’on soit clair, rien de ce qu’il y a de neuf sur l’album d’Isaac Gracie ne donne une idée de ce dont est capable ce garçon. Lui qui allie à la fois le folk et le rock, lui qui mêle la poésie et les tourments musicaux, comme le montrent les EPs ou les interviews, que devient-il à la lumière du premier album ? Un simple chanteur mi-folk mi pop qui tombe dans l’arrangement facile et sirupeux. Heureusement, il y a les anciens EPs et Youtube pour se souvenir de l’idée première qu’avait l’artiste en composant ses titres.
Les singles, un concept dépassé
Pour Fenne Lily, c’est à peine mieux, même si le problème a une autre origine. Elle qui refuse l’étiquette de folkeuse aux chansons tristes, et qui est, par ailleurs, si loin de cette image quand on la rencontre, fournit un LP aux chansons certes très belles, mais un peu plat sur la longueur. Pourquoi ? Son EP précédent faisait 3 titres. Potentiellement, il restait pourtant donc 8 titres à découvrir. Sauf que 4 d’entre eux ont été sortis en amont sous forme de singles, ramenant à 4 le nombre de surprises que l’auditeur pouvait espérer… Est-ce qu’on achète un LP pour 4 titres sur 11 ? Non. Qu’on ne vienne pas s’étonner que plus personne n’achète de disques. À quoi bon, si on prend l’auditeur pour un pigeon ?
Alors oui, ces artistes-là sont merveilleux. Leur univers se tient. Ils ont ce truc en plus qui, vraiment, vaut le coup qu’on les écoute. Qu’on les découvre. SUR SCÈNE. Voire sur EP; si tu as la chance de creuser assez tôt. Pour les premiers albums, oublie. On y reviendra quand l’industrie musicale qui signe tout ce petit monde aura compris ce que c’est, que de respecter un minimum l’auditeur. Et aura évolué avec le marché.
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