Mai Lan : “J’aime bien l’idée de créer un monde particulier”
INTERVIEW – On a rencontré Mai Lan, à quelques jours de la sortie de son premier album, “Autopilote”. Du studio à la scène, elle nous dit tout !
Mai Lan a déjà pas mal roulé sa bosse sur le chemin de la pop musique. Découverte en 2006 sur la B.O. de Sheitan, film réalisé par son frère, Kim Chapiron, puis avec un premier album éponyme en 2012, un EP Vampire en mars 2017 ; elle sort en ce début d’année 2018 un nouvel album, pop et badass, Autopilote. Nous l’avons rencontrée dans les locaux de sa maison de disque, Wagram Music, à quelques jours de la sortie de ce nouvel album.
Rocknfool : Autopilote sort très très bientôt, comment te sens-tu ?
Mai Lan : Je ne crois pas être stressée, je suis juste excitée comme si j’avais 4 ans et que demain c’était Noël. Pour la sortie des autres disques ce n’était pas du tout pareil, j’avais peur sur le premier. Mais aujourd’hui je n’appréhende pas ce qu’on va en penser. C’est ça d’avoir grandi.
Officiellement tout a commencé en 2006 avec la B.O. de Sheitan, puis un premier album en 2012, un EP en 2017 et là un deuxième album. On a l’impression que tu prends vraiment le temps d’évoluer entre chaque production, est-ce le cas ?
Non, je ne pense pas que faire un album soit une finalité. C’est juste comme ça que ça se passe. Je prends juste le temps de le faire et de le faire bien. Il y a plein de petites pierres qui jalonnent ce chemin : des morceaux qui sont sortis entre-temps. C’est une évolution qui n’est pas en 2 coups, mais en 25 !
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Tu as suivi M83 en tournée et notamment sur le plateau de Jimmy Kimmel. Est-ce qu’il y a une façon différente de faire de la musique en France et aux États-Unis ?
Oui je pense. En France, on est un pays beaucoup plus petit en taille et en population. Aux États-Unis, tu as un public particulier pour tout. Les mecs sur scène quand ils vont dans un délire ils y vont à 300 % et il y a un public pour ça. Ici, je dirais que c’est plus général, moins communautaire. Je ne sais pas si c’est le public américain qui est différent ou plutôt celui d’M83 (rires). En tout cas, ce public est très sensible, très expressif, à pleurer, rire. C’était très beau à voir.
“C’est un album hyper électro et dynamique.”
Les morceaux de l’album sont très différents les uns des autres, tu sembles ne te donner aucune limite et ne te contraindre à aucune case. Est-ce conscient ?
J’ai une volonté d’unifier le son, en bossant avec la même prod. Par exemple Nick Silvester, avec qui on a bossé à New York, est tout le temps avec son modulaire, un synthé. Donc il y a des vibes, des histoires, des boucles différentes, mais ça vient d’une même source. Ce n’est ni un combat ni une volonté, c’est juste que je fais les choses comme je le sens, et elles me viennent comme ça (rires).
Tu peux m’expliquer la genèse de l’écriture de “Technique”, je trouve ce titre complètement fou !
On était à New York, on avait un petit appartement à Brooklyn, c’était pendant le studio avec Nick. C’est un morceau qui s’est rajouté en plus en fait. Max Labarthe – mon pote avec qui je fais de la musique – jouait cette ligne de basse (elle imite le son de la basse) et moi je dansais. Toute la journée j’avais fait des trucs techniques, et j’en fais rarement d’habitude, j’étais là “ouais les gars c’est moi qui gère la technique”, c’était ma blague du jour. Donc lui faisait cette basse, et entre chaque loop il y avait un trou. À chaque trou, on se regardait et on disait “technique”. Voilà comment c’est venu. Après je me suis dit que j’allais faire rimer les mots avec eux-mêmes. Un truc débile, mais technique et frénétique. Le lendemain on est allé en studio avec Nick, on lui a fait écouter. C’était trop sa came ! On l’a vraiment fait à trois ce morceau et on était morts de rire, c’était trop cool.
Pour ce clip et bien d’autres, tu as travaillé avec Panamæra (“Pas d’amour”, “Vampire”, “Technique”, “Haze”). Ça se passe comment la création et la réalisation d’un clip avec eux ?
J’avais besoin d’avoir une équipe qui suive le projet sur sa longueur. J’aime bien l’idée de créer un monde particulier. J’avais aussi envie de trouver quelqu’un avec qui je puisse travailler, parce que moi aussi j’ai trop envie et besoin de mettre mon grain de sel partout. On s’est rencontré sur le clip de “Technique” et on s’est trop connecté. Donc je leur ai demandé de faire l’image de tout le projet. Ils sont hyper forts, ils sont complémentaires, ils savent faire plein de trucs : y’a un photographe, un pilote de drone, un pro after-effect, c’est très riche.
C’est quoi l’idée la plus folle que tu aies eu ?
Y’a beaucoup de monde qui pense que mon idée la plus marrante c’était “Les Huîtres”. Et moi j’explique toujours très sérieusement que ça m’a toujours passionnée. J’ai toujours regardé ces bêtes en me disant que c’était quelqu’un. J’ai imaginé qu’elles avaient leur communauté, leurs codes, qu’ils y avait des huîtres hyper intelligentes. Je m’y suis identifiée. Elles ont un combat, il fallait bien que quelqu’un élève sa voix pour les huîtres. (rires)
“Certains morceaux sont de vraies menaces… parfois sur le ton de la rigolade.”
L’artwork de l’album est très mystérieux. On dirait que tu recolles les morceaux de toi-même, comme si cet album était une sorte d’art-thérapie. Est-ce le cas ?
Complètement ! Ce n’était pas spécialement une démarche à la base mais ça l’est devenue. Ce personnage sur la pochette c’est une sorte de vaisseau qui est en autopilote. Ça me permet de rentrer dans la salle des machines et de regarder ce qu’il se passe à l’intérieur. Je l’ai écrit dans cette dynamique, en cherchant, en creusant, en démêlant, en découvrant tout ce qui se passe là-dedans.
L’imagerie Mai Lan c’est clairement la femme-qui-sort-les-crocs. Est-ce que l’environnement actuel influence ton désir dans ce sens, prouver au monde que les femmes ne sont pas de petites choses fragiles ?
Oui carrément, j’aime bien montrer ces facettes-là. Je peux montrer les crocs, je peux être très sympa aussi, rigolote, hypersensible. Mais il y a plein de morceaux où il ne vaut mieux pas m’emmerder. Certains morceaux sont de vraies menaces… parfois sur le ton de la rigolade. C’est pas parce qu’une femme est forte qu’elle doit être chiante et conne. On peut être fortes, trop marrantes, super belles, etc. J’aime bien ce côté double, on est normales en fait, c’est juste qu’on ne se laisse pas faire.
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Tes lives sont assez intenses. Comment tu les prépares ?
L’album est tellement jouissif à jouer et les morceaux différents, que ça me permet d’exprimer le truc à fond. C’est un album hyper électro et dynamique. En live ça envoie pas mal. Il y a aussi des morceaux calmes qu’on joue, “Gentiment je t’immole” notamment.
Je suis tombée sur Les bails de Mai sur Youtube, ça m’a fait bien rire, c’était quoi l’idée ?
C’est mon nouveau jeu (rires). À la base, c’était pour parler des choses qu’on ne me demande jamais. Et c’est dommage parce que personne n’a jamais les réponses du coup. Tu vois, tu m’as fait parler de “Technique”, j’avais justement prévu de l’expliquer en vidéo. Il y a plein de choses que j’ai envie de dire et qui sont plus intéressantes que “c’est quoi ton style de musique ?” et “pourquoi tu chantes en anglais ?”. Ce sont donc des petites vidéos pour aborder le projet différemment. Ça me permet aussi de faire des trucs avec des copains artistes.
Quelle question aurais-tu aimé que je te pose par exemple ?
Tu ne m’as pas demandé pourquoi je chantais en anglais (rires) ! En vrai c’est intéressant de savoir pourquoi, mais ça fait un peu question du mec qui ne s’est pas foulé. Quand j’y réponds maintenant, je me mets… en autopilote.
Propos recueillis le 16 janvier par Jeanne Cochin.
Merci à Jennifer Havet.
► Autopilote, Mai Lan, sorti le 19 janvier 2018 chez Wagram Music/Cinq 7.