Le monde selon Thierry Larose

INTERVIEW – À l’occasion de la sortie de son deuxième album “Sprint!”, Thierry Larose nous a ouvert les portes de chez lui pour discuter de tout et de rien, mais surtout de tout.

“J’ai toujours eu de la difficulté à faire une entrevue”. En quatre ans, certaines choses n’ont pas changé du côté de Thierry Larose qu’on rencontrait pour la première fois à l’occasion de son passage aux Francouvertes en 2019. Depuis, le Québécois s’est installé durablement à Montréal qu’il adorait déjà et adore toujours. Il nous reçoit dans un joli appartement, un vinyle des Beach Boys en fond sonore.

“Quand on parle des textes, du matériel, je me sens le plus à l’aise. Parler de ma vie, c’est plus difficile. Les choses vont vite ces temps ci, et je n’ai pas de recul. Je n’ai pas encore fait le point sur la période Cantalou”, son premier album paru en 2021.

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Du lac à l’antenne

Pourtant, c’est simple : Cantalou a été un succès autant critique que populaire, qui lui a (entre autres) permis de remporter le Prix Félix-Leclerc pour sa chanson “Les Amants de Pompéi”. Il semblerait toutefois que d’autres choses aient changé. Car du recul, inconsciemment, Thierry en a. Il avoue avoir gagné en confiance, notamment grâce à son expérience comme guitariste (il a accompagné son amie Lou-Adriane Cassidy sur sa tournée). Il a désormais un meilleur appart aussi, ajoute-t-il sourire en coin… et il est un meilleur chanteur. “Avant, je n’y prenais pas de plaisir, j’aimais juste jouer de la guitare et de la batterie. Maintenant, j’aime chanter, j’accorde plus de place à l’interprétation et je voulais qu’on puisse l’entendre sur le disque.”

Chez Thierry, la marionnette-mascotte de son clip “Cantalou”.

Il y a quatre ans, Thierry décrivait ses nouvelles chansons comme des “bombes que tu lances dans un lac. Ensuite, tu rattrapes tous les poissons au filet”. Ça le fait rire. “C’était imagé quand même ! Une image plus appropriée pour aujourd’hui serait de dire que tu es une antenne, et pour que la chanson existe, il faut la capter, quasiment la saisir au vol !”.

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Ne plus se cacher et faire vivre les chansons

Sprint! est plus un disque à texte que Cantalou, admet Thierry. “Je voulais me permettre des choses que je ne me permettais pas avant. Il y a des moments ouvertement romantiques sur l’album (“Frisbee & Marmelade”), ce que j’évitais avant, pour éviter de trop en dévoiler. Il y a aussi des moments de déception, de frustration (“Plein prix”, “Si tu comprends pas maintenant”) que je ne voulais pas cacher.” Pas de ras-le-bol nous rassure-t-il, juste moins de “façades” et plus de lâcher-prise.

“Le disque est un peu une manière de me créer du répertoire pour les spectacles”. Et le spectacle est finalement un théâtre à ciel ouvert, où il est possible de reprendre chaque chanson, de l’améliorer, tout ça sans se lasser. “Une chanson est vivante, il faut qu’elle change avec le temps.” Certaines chansons ont demandé jusqu’à 20 prises (“Baleine et moi”, dont ils ont gardé 2 versions sur l’album), d’autres ont pris des mois à se finaliser (“Demain, demain”) et certaines ont d’abord laissé songeurs l’équipe par leur structures inhabituelles (“Parfaitement intacte”).

“J’ai mis ces vinyles là, car c’est la palette que j’écoutais pendant le disque. A la fin de ‘Parfaitement intacte’, il y a des yeah-yo et j’ai pris ça de Kate Bush dans Cloud Busting.” – Thierry Larose

“Je suis fier de ces chansons, je me cache moins et elles se tiennent plus ! Je n’ai jamais adhéré au genre musical. Je n’y crois pas. J’écris des chansons sur du papier, des accords, des mélodies, des structures et des arrangements. L’enregistrement et l’interprétation sont variables.” Le résultat est un album accrocheur de onze titres pop, à la fois éclectique et accessible, qui n’a que faire des règles établies. Sept minutes, deux minutes, romantiques, poétiques, contrariées, pop-rock, bossa-nova, one-take, sans métronome… Et même des pics à brochette en guise de baguettes pour ne pas jouer trop rock, une cannette de Coca-Cola et un Félix comme percussions… Son amour des adjectifs et des détails techniques, tout est finement documenté et précisé, “exhaustif”, comme Thierry aime faire. “Ce sont ces détails qui sont magiques. Dans toutes les chansons qui me touchent, j’ai remarqué qu’il y avait un détail qui a l’air de rien, mais qui rend ça vraiment réel.”

Un album en famille

Et qui de mieux que ses ami.e.s musicien.e.s de tournée pour le suivre et le soutenir en studio(s) ? Lou-Adriane Cassidy, Alexandre Martel, Sam Beaulé et Charles-Antoine Olivier, la bande de Thierry s’est logiquement retrouvée en studio derrière Alex Martel, qui signe la réalisation. “Ça ne m’était jamais arrivé avant d’avoir une si belle chimie, il fallait que ça soit eux tout le temps. Il y a un respect mutuel et je pense qu’on est tous fan l’un de l’autre. Je tenais à ce que ça sonne comme un groupe, et moins comme moi qui fait 1000 couches de guitare. La collectivité est essentielle pour un bon rendu.”

L’enjeu du collectif est finalement de savoir rester “malléable”, ouvert aux propositions et de tenir compte des talents de chacun. Même si les chansons sont écrites “méticuleusement” en amont, une fois en studio “on peut tout faire”. La recette informelle de Thierry pour Sprint! ? Réunir les musiciens dans la pièce, et faire naître “l’enrobage” de façon détendue. “Si tu voulais chanter, tu pouvais chanter. On était tellement relax que ça a fait que les chansons le sont devenues.” On remarque ainsi les voix de Marianne (Boucher), la talentueuse amoureuse de Thierry (qui signe le graphisme, le teaser de l’album et maintenant les back vocals), ainsi que celle de Yan (Bienvenue), gérant, lui aussi propulsé derrière un micro le temps de “Cœur de lion”.

Le “stock” consommé en studio par Thierry et son équipe.

Ne pas confondre énergie avec volume

Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre pour savoir ce qui va “résonner chez les gens”, “car sur Cantalou, les chansons préférées sont ressorties assez vite”. Mon top trois personnel est composé de “Portrait d’une Marianne”, “Baleine et moi take 3” et “Plein prix”. Celui de Thierry, je ne vous le dévoile pas, mais sachez qu’on n’est pas loin du mien. Il faudra aussi attendre que Thierry lance officiellement son album, le 13 juin pendant les Francos de Montréal, pour le voir en live (quelques dates au Québec sont néanmoins prévues avant).

Il aurait pu le présenter au printemps, mais qui dit lancement montréalais dit gratin de l’industrie culturelle en public principal : “je n’ai jamais aimé faire ça, je pense aux fans parce que c’est pour eux que je le fais.” Ainsi, pour que l’album ait le temps d’exister, il y aura d’abord quelques dates en France, dont un passage au Printemps de Bourges (22 avril) et un tout premier concert parisien au Supersonic (24 avril). Le spectacle n’est pas encore prêt, mais sans doute qu’il sera aussi rock que pour Cantalou. “J’aimais le high que ça me donnait et le public embarquait beaucoup. L’énergie c’est important, or souvent on confond énergie avec volume.”

Chaque chose en son temps : la journée média et les photos, le deuxième album, monter le spectacle, repartir en France et jouer devant un public bien différent, lancer l’album au Québec… et la suite on verra. “Je n’ai pas de hobby, j’aime une chose et c’est la musique. Avec le temps qui passe, je me rends compte que la longévité dans le milieu est difficile. Ça me force à voir ça comme du travail, et je veux continuer à aimer ce travail.” Heureusement, Thierry a encore le feu sacré (“excuse moi pour le cliché !”), et il n’a jamais eu autant de plaisir à faire cet album. “Je n’ai même pas de désir de croissance, j’aimerais juste continuer et être bien, à faire de la musique, et que les gens continuent d’aimer. C’est tout ce que je me souhaite.”

Sprint! – Thierry Larose (Bravo musique) disponible le 10 mars 2023.

Propos recueillis par Emma Shindo
(crédit photos : pareil – Thierry ne sachant comment poser pour les photos, nous avons essayé de reproduire la photo prise il y a 4 ans chez Roger et Denise)