Soleil Launière remporte les Francouvertes 2024
COMPTE RENDU – Retour sur la grande finale des Francouvertes, 28e édition.
La finale des Francouvertes s’est allumée avec Thierry Larose et Lou-Adriane Cassidy, acoustiques, qui ont donné ensemble une pouffée de sublime, une giclée d’étoiles, “Cantaloup”, “Entre mes jambes”, etc. Comme quoi souvent les vrais gagnants gagnent pas le concours.
Quand les lumières ont noirci, c’était l’inquiétude. Drinks, vins, bières se renversaient sur les tables, tant y avait du tremblement de basse partout. Les yeux étaient hagards, perplexes. Car les breuvages coûtent chers. Mais y avait beaucoup de peur aussi.
Un fumigène est apparu, là-bas, sur scène, tout plein d’échos dedans. On a commencé à voir un coin de batterie, deux claviers vis à vis, des doigts, des cordes, des ombres. Mais la tension s’est dissipée avec la fumée et les ombres sont devenues des musiciens. Le public souffle enfin ! Il acclame, siffle et clapote des mains. Woo, woo, woo !
Mais c’était pas pour durer, non, car l’angoisse est vite revenue avec l’apparition d’une femme vêtue d’anciennes étoffes. Elle glissait vers la scène, lentement, tenant en équilibre un bois biscornu sur sa tête. Transe bachique ! Rendue sur la rampe, les rites funèbres ont commencé. Soleil Launière, les veines pleines de sang innu, pointe ses bras vers les spots de lumières. Elle est rouge, elle est bleue, elle est verte.
Sa voix invoque, prie, supplie dans un dialecte inconnu pour l’oreille blanche. Ensuite c’étaient des cris, des noms de femmes poussés pêle-mêle dans le silence. Mais qui étaient-elles ? Soleil Launière essaye de faire revenir de terre les autochtones meurtris, assassinés par le catholicisme d’autrefois. Les marmottages du Pape François ont donc été vains là où on a découvert les sépulcres y a presque deux ans.
Car les spectres tournoyaient ici, dans la salle, parmi le fumigène, en furie. La vengeance du passé sur le présent. Un des spectateurs en est même tombé de sa chaise la mousse aux lèvres. Un autre, avec un chandail du Québec, en a été aspiré vers le haut, par le tourbillon desdits spectres. Ô soirée funeste ! Théâtre maudit ! Et pour parler enfin musique, tappez Soleil Launière sur YouTube, car mes mains frémissent trop.
Et comme tout est en perpétuel changement dans les choses, la disposition des instruments, l’ambiance et les tempos se sont transformés sur les mêmes planches. La vieille France, celle de l’âge d’or des banlieues, est revenue, vague, enchevêtrée avec le Québec d’aujourd’hui. Parce que Sensei H, franco-algérienne, 27 ans, est dans les parages depuis longtemps.
Mais sa coupe de cheveux, elle, date de vendredi passé. Notez que le secret pour percer en musique dépend des ciseaux, de la trouvaille de la coupe. Les Beatles avec les cheveux longs, Bowie avec sa Longueil, Kurt Cobain avec ses cheveux mêlés, Hubert Lenoir avec sa tête cressonnée, Gab Bouchard avec sa coupe champignon bleachée ont tous révolutionné la façon de faire des chansons. La coiffe de Sensei H est authentique, preuve qu’elle doit continuer. Car elle a souvent pensé tout lâcher. Mais les tirades qu’elle rappent à tire-larigot lâchent jamais en terme de force, de concision.
Les liquides du parterre, des balcons virevoltaient de partout tant ça mitraillait de mots. Les yeux en étaient hagards, perplexes (car les breuvages coûtent toujours chers). Somme, c’était toute une performance, quoique anachronique, hélas ! (car les choses sont en perpétuels mouvements). Mais elle a remis le rock dans le hip-hop comme dans le temps primitif du rap, Run DMC, Beastie Boys, etc. Mais aussi de la contrebasse. Et un sample de Stanley Péan, le plus jazz des hommes du Québec, pour le remercier de la promo sur les ondes.
Et malgré les interludes de pensées sombres (car c’est l’ère de la santé mentale), tout s’est terminé avec danse, sourires, ovation et liesse. Ce fait, on a passé un coup de balai, et une espèce de commedia dell’arte est rentrée. Sauts, grimaces, pirouettes. Loïc Lafrance a pris au sérieux Hubert Lenoir lorsqu’il a dit a l’époque qu’on pouvait être ce qu’on veut, femme, homme, cowboy.
Car le jeune homme a choisi d’être cowboy. Aussi une nouvelle doctrine est sortie de sa bouche, entre deux tounes : “on peut être ce qu’on veut, tout le monde ! femme, homme, cowboy !” On tapait des mains, la larme a l’œil. C’était le début d’un temps nouveau. Ainsi avait parlé le bon Loïc Lafrance (Hubert Lenoir).
Gling ! gling ! les guitares sèches, tiche ! tiche ! les cymbales. Un gâteau de fête est apparu, des chandails tirés en l’air. Chanson après chanson, c’était comme chez Renaissance, fallait fouiller pour trouver quelque chose de beau. “Salade de fruits”, “THÉÂTRE/VIOLENCE”, deux belles trouvailles, c’est vrai.
Mais les juges et le public ont pas trouvé ça suffisant. Car il a fini dernier, purée ! Mais à peine une chanson en français était assez pour faire gagner Soleil Launière les Francouvertes. Ô magie noire ! sorcellerie !
Soleil Launière remporte les Francouvertes en première position, suivie de Sensei H et Loïc Lafrance.
Texte : Vilhardouin LaMousse – Photos : Emma Shindo
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