‘Frame’ de Charlie Cunningham, histoires d’albums et de concerts
LIVE REPORT – On avait besoin de découvrir Frame, le nouvel album de Charlie Cunningham, sur scène. Direction l’Allemagne pour l’occasion.
C’est un vendredi de pleine lune qui nous amène dans une ancienne église reconvertie en lieu culturel en pleine ville de Francfort. Ce n’est pas la première fois qu’on se déplace en Allemagne pour voir Charlie Cunningham. Mais avant cela, il faut écouter Rachel Sermanni. Je dis “il faut” mais le moment est loin d’être une corvée tant l’artiste nous plonge immédiatement dans un univers qui nous est familier. Elle est écossaise, elle fait tourner sa setlist autour de la lune du soir et ses graves ne sont pas sans sonner comme Lisa Hannigan. Que d’arguments pour nous faire aimer son set en guitare-voix ! On est vite transporté dans notre safe place qui sent la nuit et les vagues, bercé par la mélancolie des amours pas très heureuses. Et on se plonge dans ces quelques chansons comme on s’enroulerait dans notre couverture moelleuse.
Charlie Cunningham, une histoire d’humilité
Mais bien que Charlie Cunningham ait un réel don pour faire ouvrir ses concerts par des artistes féminines de talent, c’est bien sa musique à lui qu’on est venu entendre. Parce qu’on sait que c’est ici, debout devant une scène, qu’on prendra pleinement la mesure de son dernier album, Frame. À l’image de Lines ou Permanent Way, ses deux précédents longs, l’écoute sur disque n’est jamais la claque qu’on peut espérer parfois. Charlie Cunningham ne compose pas de grands albums qui vous en mettent plein les oreilles à la première écoute. Il n’est pas de ceux qui aspirent à la lumière et à la grandiloquence. Charlie Cunningham est de ces artistes qui avancent avec discrétion et sans grand fracas. Et c’est bien là toute sa force.
On pourra dire que tout cela tient à l’inexplicable timidité d’un artiste qui semble, malgré les années, toujours aussi soucieux à l’idée de servir un concert parfait. Et toujours aussi nerveux quand il s’agit de parler de soi et des chansons pendant son set. Il s’excuse presque de la chaleur de la salle, vérifie toujours être sur la bonne voie par ses regards avec ses musiciens, et soupire de soulagement à la fin de certains nouveaux titres (“Shame I Know”). C’est que ses nouveaux titres le font jouer au piano, lui plus habitué à se livrer devant un public à sa guitare, instrument peut-être plus rassurant pour l’artiste. Il est touchant de voir cette incertitude pour lui, quand il ne règne vraiment que certitude pour nous, public.
La délicatesse comme fil rouge
Parce qu’il est impossible de douter le moins du monde de notre côté de la scène, quand on voit le talent des musiciens qui accompagnent Charlie. Tout est en totale cohérence avec l’univers d’introspection créé. La batterie délicieusement délicate (les balais, les bandanas sur les fûts, MERCI), la basse présente juste comme il faut, cette trompette à la limite de l’effacement… Tout habille d’une élégance juste chaque titre joué, de “Downpour” à “So It Seems” en passant par “Birds Eye View”. Le réel point d’orgue reviendra néanmoins à “Water Tower”, qu’on n’osait espérer, tant sa beauté semblait confinée à l’intimité d’un salon solitaire. Charlie Cunningham a prouvé au piano qu’elle avait plus que sa place pour s’envoler sous les pierres d’une ancienne église.
Mais de nombreuses autres chansons de Frame ne seront pas jouées ce soir, laissant la place aux anciens titres emblématiques. “Sink In” qui ouvre le bal, “Minimum” qui le ferme… La classique “Breather”, la magnifique “You Sigh”, les peut-être trop habituelles mais parfaites “Blindfold” et “Lights Off” en solo en rappel … Autant de titres qui viennent renforcer l’impression générale qui nous gagne un peu plus à chaque sortie d’album : Charlie Cunningham trace un chemin d’une cohérence et d’une intelligence musicale peu communes, ajoutant touche après touche une profondeur supplémentaire dans son sillon. Et on ne peut pas s’empêcher de se rappeler les paroles d’un titre qu’il ne chante plus depuis longtemps :
“There are those who move at their own speed, it feels like the the right way to be.”
Et ça l’est.
“