Charlotte Cornfield & Sima Cunningham sans détour : intimité et amitié à Montréal

COMPTE RENDU — Retour sur la date montréalaise de Charlotte Cornfield et Sima Cunningham dans un P’tit Ours sold out.

Un samedi soir printanier et bien agréable à Montréal. Les magnolias sont sortis, les tulipes pop’ de partout, les gens font tomber les couches de vêtements. On file en direction d’Outremont, à la frontière avec le Mile-End. On n’est pas venu au P’tit Ours depuis la fin de la pandémie, pour un concert extérieur dans leur ruelle. Entre-temps, l’ex-Ursa, salle de Martha Wrainwright, est passée dans les mains de l’équipe de la Casa del Popolo et de Pop Montréal, et a été renommé en Le P’tit Ours. Le thème ursin est maintenu. La programmation indé’ également.

Une grande estrade en bois recouverte d’un tapis prend un bon tiers de cette longue salle en demi sous-sol. Des gens sirotent des verres dans le bar en avant et on pense d’abord que le P’tit Ours sera clairsemé. Au programme de ce soir : Sima Cunningham et Charlotte Cornfield. Deux femmes au indie-folk alternatif qu’on avait bien envie de découvrir en live. 21h15, la salle s’est finalement remplie. C’est complet.

Le monde de Sima Cunningham

Sima Cunningham entame la soirée, Gibson acoustique en main. Charlotte Cornfield et elle, débutent une petite tournée de plusieurs dates entre Canada et États-Unis. Montréal est leur 3e escale. Sima dit avoir toujours voulu être l’amie de Charlotte et lui avoir écrit sur Internet. Charlotte répond qu’elle rêvait secrètement de l’être également. Les deux compositrices se sont présenté leurs bébés, et se partagent jusqu’à la guitare. La sororité à son summum.

L’Américaine d’origine arménienne (moitié du duo Fonim), a sorti High Roller son premier album solo l’année dernière. Il lui aura “juste” fallu 10 ans, ironise-t-elle. Avec son timbre de voix grave et profond – on aimerait le même – elle interprète tour à tour les chansons de son album, donnant du contexte à ses paroles, entre journal intime et histoires. Elle admet beaucoup écrire sur des proches, elle qui chérit ses amitiés. Notamment “For Liam” chanson qu’elle a écrite pour son frère, aussi musicien, “Nothing” dédiée à son oncle sans doute poète ou “Adonai” bien triste ballade où elle rend hommage à un ami qui s’est donné la mort.

Seule avec sa guitare, le rendu de ses arrangements est épatant, on admire sa maîtrise des rythmiques et de son chant aux mille nuances. Sur la fin de son set (une dizaine de chansons), elle invite Charlotte Cornfield à la rejoindre sur scène pour un duo country, “Both Ways” suivi de “Abilene” interprétée à la guitare et au piano, qui relèvent un peu une ambiance chagrinée. Sima Cunningham se laisse finalement gagner par l’émotion en chantant sur la peur (le contexte politique sera plusieurs fois mentionné ce soir-là) et finit son set, les larmes aux yeux (“No Denying” et “You Have It All”).

Le Honda Civic tour de Charlotte Cornfield

Charlotte Cornfield monte à son tour sur scène, toute de bleu denim vêtue, lunettes de vue sur le nez. Elle a un petit sourire en coin, et semble presque gênée d’être là. Pourtant elle ne manque pas d’assurance lorsqu’elle commence à chanter.

Celle qui a habité à Montréal il y a longtemps (elle est désormais installée à Toronto) propose un set patchwork. Des chansons de Could Have Done Anything, son dernier long jeu sorti en mai 2023, de nouvelles créations qui ravissent les spectateurs, et des “classiques” tirés de ses albums précédents (“In My Corner”, “Storm Clouds”). Le public est fin connaisseur et manque de la faire pleurer lorsqu’il se met à claquer spontanément des doigts sur “Gentle Like The Drugs”. Alors au piano, la Canadienne encourage la salle à poursuivre, attendrie.

Le P’tit Ours est silencieux. Les premiers rangs sont assis à même le sol, on voit des gens s’entrelacer, et même verser quelques larmes. La formule guitare-voix, ou piano-voix a toujours le don de faire ressortir les émotions. Charlotte Cornfield semble aussi avoir ce talent de conteuse, aidée par son timbre de voix presque parlé, aux notes faussement nonchalantes. On oscille entre rires nerveux et larmes. Elle, qui brosse des histoires mentionnant de nombreuses voitures en arrière-plan s’en amuse. L’idée d’un Honda Civic Tour est lancée (un clin d’œil à sa chanson “Silver Civic” que le public chantera avec elle). C’est un peu la tradition (et le charme) des singers-songwriters en Amérique du Nord : la route et son lot de rencontres.

Elle invite à son tour Sima Cunningham à la rejoindre sur la fin de son spectacle. La Canadienne paraît surprise du rappel réclamé par le P’tit Ours. Elle n’a rien prévu, avoue-t-elle. Elles se lancent alors dans une reprise de “Leonard” de Sharon Van Etten. Une chanson qu’elles adorent toutes les deux, suivie de “You and Me”. Dans 5 minutes, elles retraverseront la salle pour aller vendre leur merch’ et rencontrer leur public indique sur ses doigts Sima Cunningham tout sourire.

On repart chez nous, l’animation de la rue Bernard et ses lumières ne parviennent pas à nous retirer l’air de “You and Me” de la tête.