Francos de Montréal : Isabelle Boulay, Safia Nolin, Émile Bourgault et Qualité Motel

COMPTE RENDU — C’est parti pour les Francos de Montréal 2025 ! Une nouvelle édition qui tombe à point après une fin de printemps capricieuse. Place à Émile Bourgault, Isabelle Boulay, Safia Nolin et Qualité Motel.

Les beaux jours sont enfin là, les Francos aussi ! On se rend Place des Arts. “Heureusement”, avec le Grand Prix du Canada (F1) qui a lieu le même week-end, la grève des transports en commun est mise sur pause, permettant aux locaux et aux touristes de passage de profiter du festival dont la plupart des concerts, rappelons-le, sont gratuits.

On est un peu excité lorsqu’on traverse la foule devant la grande scène qui voit débouler LaF. Nous, on continue notre chemin, vers la scène Spotify qui accueille des concerts d’artistes plus “émergents” (imaginez la playlist Montréal Chill sur Spotify, c’est ça).

Émile Bourgault, “la plus belle révélation de la chanson québécoise” selon Isabelle Boulay

On n’avait pas eu la chance de voir Émile Bourgault depuis sa finale des Francouvertes en 2022. Que de chemin parcouru pour le Québécois qui semble avoir trouvé sa voie, depuis la sortie de son 1er album (Tant mieux, 2024). L’année passée, au même moment, il allait prendre son shift au Jean Coutu de Boucherville. Les choses ont changé !

Déjà à l’aise sur scène il y a trois ans, il défend ses nouvelles chansons avec entrain et bonheur certain. Entouré de cinq musiciens (dont une saxophoniste), il joue avec la concentration d’une foule de festival en enchaînant plusieurs des ballades de son album. Il s’en amuse et complimente le public pour son écoute.

Le set se déroule bien, c’est fluide et bonne ambiance. On apprécie autant les harmonies vocales, son très beau duo avec Sofia Duhaimne (“Nos amours cimetières”), et les morceaux plus sunny-glam pop comme “Les aiguilles” qui clôture son spectacle sous les applaudissements. Un très bon moment !

La fête des chansons d’Isabelle Boulay

On parcourt les quelques mètres qui nous séparent de la scène Loto Québec, la 2e plus importante en extérieur du festival. Chaque année, on poursuit notre découverte des classiques québécois (Luc de la Rochellière, Diane Dufresne, La Chicane…). Pour notre première soirée, qui de mieux qu’Isabelle Boulay ?

Têtes grises, familles, copines, couples… Le public venu voir Isabelle Boulay est intergénérationnel. Il y a quelque chose de fédérateur à voir toutes ces personnes qui chantonnent dans leur coin, ou à tue-tête se prenant par les épaules, lorsque les tubes retentissent. Isabelle Boulay n’est pas montée sur scène depuis 5-6 mois, explique-t-elle, et ça fait bien trop longtemps selon elle, elle est “une jachère” ajoute-elle, amusée.

Qu’on se le dise, le spectacle proposé par la Québécoise est rodé de chez rodé, probablement parce que la chanteuse et ses cinq musiciens se connaissent et jouent depuis longtemps ensemble. À part un album hommage à Bashung (dont elle interprète plusieurs classiques) paru en 2023, le dernier album de l’artiste date de 2019. Elle le dit elle-même, ce soir c’est la “fête des chansons” d’Isabelle Boulay, elle qui était de la première édition des Francos de Montréal en 2001, à 19 ans. 

Des classiques et des hommages

Impossible de nier notre plaisir évident lorsque “Parle-moi” retentit après “Madame rêve” (Bashung) et “La lune”. Comment résister à ce classique de notre enfance ? Le timbre de voix rauque d’Isabelle Boulay et son fameux vibrato sont inchangés. Elle semble tout droit échappée de la belle époque des chanteuses à voix et de l’apogée de la variété française. Car cette voix elle la maîtrise et pas qu’un peu ! La scène aussi, ça la connaît, elle qui est entourée des “frères Boulay”, comme elle appelle ses cinq musiciens, pour qui elle ne semble pas manquer d’affection.

En plus de ses classiques (“Je t’oublierai, je t’oublierai”, “Entre Baton Rouge et Matane”, “Jamais assez loin”, “Le saule”), elle garnit son set de reprises d’artistes qu’elle admire. “Seras-tu là” de Michel Berger, “Tu ne me dois rien” de Stephan Eicher ou “Un peu d’innocence” de Daniel DeShaime. Généreuse en anecdotes et en sourires, elle revient pour un rappel, une nouvelle chanson, qui dépasse son horaire, pourtant réglé à la minute aux Francos. Il est temps de laisser place à la “grande Safia Nolin”, nous dit-elle après avoir louangé Emile Bourgault, sa plus belle révélation de la chanson québécoise.

“La grande Safia Nolin” dixit Isabelle Boulay

Changement d’ambiance et de public du côté de la scène Spotify. Safia Nolin et ses trois musicien·ne·s sont placée·s en demi-cercle, Safia est tout à gauche, dans un petit halo de lumière, de profil au public. Un drapeau palestinien à gauche, un drapeau LGBTQ+ sur la droite bien éclairés. On sait l’artiste engagée, ce qu’elle confirme plus tard, pendant son show. “Le temps est compté avant la fin du monde”, dit-elle à moitié amusée, à moitié affligée, ou “c’est fâchant, fuck ce monde”. Sa musique est teintée de ce poids du monde qui l’affecte grandement et directement. Souvent injustement d’ailleurs.

On n’avait pas encore eu la chance de voir Safia jouer son dernier album UFO Religion dont elle interprète les chansons (“Et si, de”, “Dague”) en alternance avec celles de Dans le noir et de son désormais classique Limoilou. “Je pensais qu’il y allait avoir 6 personnes”, lance-t-elle, un sourire intimidé en coin. Le public est assez nombreux et attentif, prêt à se balancer en rythme le temps des ballades et à head-banger gentiment lors des passages plus indie rock. 

Il faut avoir le cœur bien accroché quand on assiste à un show de Safia. La mélancolie peut vite submerger la tête malgré la beauté de ses mélodies à nous écorcher le cœur. Mais il y a quelque chose de contemplatif presque, à se laisser engloutir par cette vague de spleen. On en sort juste à temps pour filer voir la fin du set de Qualité Motel à quelques mètres de là. Deux salles, deux ambiances n’aura jamais eu autant de sens que là.

Qualité Motel, boum sous le chapiteau

On passe rapidement les bâches de la scène des Brasseurs de Montréal. On se retrouve dans une grosse boîte de nuit à ciel ouvert. Le show de Qualité Motel fait rage. Les vingtenaires et trentenaires sont devant, sautent, chantent, dansent, crient. C’est le gros parté, comme on dit au Québec. Et dans la bonne humeur !

La formule Qualité Motel est simple : une grande console représentant le devant d’un gros pick-up immatriculé Qualité Motel. Des guests de qualité et des mixs de hits kitschs ou du moment, mélangés à leurs propres compos (notamment les chansons de leur dernier EP Clé en main sorti il y a quelques semaines). “Les rois du monde”, “Heads Will Roll”, “Feel Good”, “Et Cetera”… tout y passe. Franchement respect à celui ou celle qui arrive à rester indifférent·e à ces enchaînements électro-pop festifs.

De plus, sur scène c’est la déferlante des corps. Les quatre gars virevoltent derrière, devant, à côté de leur console, micro tendu vers le public, micro en l’air, claps des mains… Derrière eux, sur une estrade, des invités gigotent et boivent leurs verres en s’ambiançant… On ne sait plus où regarder.

Jamais ces gars-là ne déçoivent en live, que ce soit avec Qualité Motel ou avec Valaire (plus un membre). Ils doivent être nés les pieds sur un stage, doigts sur les instruments et consoles. C’est la fête sous le chapiteau, chapeau bas !

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Texte et photos : Emma Shindo