Fleet Foxes et Nick Hakim au Trianon : deux poids, deux mesures

LIVE REPORT – C’était la première de Fleet Foxes à Paris depuis la sortie de “Crack-Up” leur dernier album. En première partie, Nick Hakim a assuré un début de soirée groovy et sexy.

Il ne paye pas forcément de mine aux premiers abords. Pourtant Nick Hakim est un magicien de la musique charnelle. Le New-Yorkais ouvrait la soirée pour le premier concert de Fleet Foxes au Trianon. C’est vers 19h30 que les festivités ont commencé, pour une petite demi-heure. C’est toujours trop court, mais ça donne une furieuse envie de reviens-y, et ce n’est pas plus mal.

La sensualité et l’évidence Nick Hakim

Casquette kaki sur la tête, Nick Hakim est accompagné de quatre musiciens. Le public déjà présent se laisse rapidement envoûter par le groove du timbre cotonneux et ouaté de Nick Hakim qui, parfois, se laisse aller à des petits pas de danse sur le devant de scène. On ferme les yeux et on s’imagine dans un loft au 1001e étage d’un immeuble d’une grande mégalopole, un Gin Tonic dans la main, le regard perdu vers l’horizon. C’est sans doute l’effet du piano. Ou peut-être la fantastique basse feutrée qui rebondit et relance chaque cellule.

Musicalement c’est nickel de chez nickel. On passe de ternaire à binaire en un regard habitué, on brise les rythmes et on se raccroche aux autres avec une facilité déconcertante. C’est feutré et tellement agréable. Tout semble simple à Nick Hakim et ses musiciens, c’est un plaisir pour nos oreilles qui se laissent bercer et amener où bon leur semblent. De la sexy “Needy Bees” à la plus dansante et r’n’besque “Cuffed”, nos hanches se laissent aller à un va et viens sensuel. Forcément il joue d’autres titres de son dernier album Green Twins, dont le planant titre éponyme et la plus intense “Roller Skates”. On observe l’Américain, sourire aux lèvres, semblant enfin remarquer par intermittence la salle dans laquelle il joue ce soir-là. Il a l’air heureux, et il nous le rend bien.

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Quand tout va trop vite

Écoute, avec le recul, je suis un peu déçue par le concert de Fleet Foxes. C’est possible oui. Peut-être que j’avais trop d’attentes, peut-être que j’avais trop idéalisé un de mes groupes modèles. Car je n’avais jamais eu la chance de voir Fleet Foxes en live. Pourtant ils figurent depuis plusieurs années sur la liste de mes groupes à voir avant de mourir. Ce lundi 20 novembre, le gong a sonné. Les Américains venaient présenter leur dernier album Crack-Up pour le premiers des deux soirs (complets) au Trianon. Le public a répondu présent en masse, et c’est loin de ne parler que français dans l’audience.

Mettons les pieds dans le plat. D’une manière générale, j’ai trouvé Fleet Foxes trop pro. Pour ne pas dire trop expéditifs. Pas sur la durée, puisque la setlist est vaste et le concert dure 1h30. Mais expéditifs dans leur manière de délivrer leur musique. J’ai eu l’impression que tous les tempi pressaient (ce qui n’était pas le cas), qu’ils jouaient tout sans prendre le temps de respirer, ne serait-ce qu’un demi-soupir dans leurs interprétations. Beaucoup de chansons s’enchaînaient, sans un mot de Robin, le seul à prendre la parole sur les six musiciens présents sur scène.

Pourtant tous les ingrédients étaient réunis pour me plaire. Mandoline, contrebasse, euphonium, archet sur guitare, tambourin, arpèges de guitare en voici en voilà… et harmonies à tomber par terre. La scène est joliment remplie de triangles encadré de bois, qui captent les projections de lumières, assorties à celles du grand écran positionné derrière le groupe. Je t’avoue que les moments que j’ai préférés sont dispersés dans le set. Un set auquel j’ai eu bien du mal à me raccrocher et auquel j’ai complètement décroché avant le bis.

Les plaisirs d’antant

C’est dans le noir complet que Fleet Foxes débarquent sur la scène du Trianon, sous les acclamations du public, impatient. Trop impatient ? À chaque fois que le groupe prend le temps de se réaccorder ou de changer d’instruments, on entend des cris d’excitation ou des déclarations d’amour. Du coup, ils se dépêchent. Certes, Robin n’est pas des plus causants, mais il semble sincèrement heureux d’être à Paris. Il déclarera même, certainement poliment, qu’il s’agit là du “meilleur public de leur tournée”.

Bien entendu, les Américains sont là pour défendre leur dernier album, Crack-Up sorti en juin dernier. On découvre “Arroyo Seco” en guise d’introduction, on se perd dans les fréquences psychédéliques de “Mearcstapa” et ses lignes de flûte traversière, on sautille gentiment sur “Fool’s Errand” et on plane un peu trop sur “Crack-Up”. On préfère se laisser porter par les délicieux et délicats arpèges de la guitare acoustique sur “The Cascades”, ou écouter la mandoline et les harmonies divines de “Blue Ridge Mountains”. Le Trianon ne peut que laisser éclater sa joie quand Robin se retrouve seul sur scène pour jouer la magique “Tiger Mountain Peasant Song”. Dès le premier accord, les cris fusent. Cela dit, on sent sa voix fatiguée. Il finit par nous expliquer que c’est pour ça qu’on le voit boire de l’eau chaude. Puis, suite à un “drink water !” crié du public, Robin finit par conclure que c’est en effet important de ne pas de déshydrater. On rit.

Le reste du groupe revient pour “Mykonos” suivie de “White Winter Hymnal”. C’est la séquence “hits”. Tout s’enchaîne. Pour moi, ça ne fait aucun doute, les nouvelles chansons ne valent pas les titres du premier album éponyme de Fleet Foxes.  Que ce soit “Ragged Wood” ou “Your Protector”, je me sens bien plus emballée que lorsque j’entends les très contemporaines et atonales “Third of May / Ōdaigahara” et autres “On Another Ocean”.

Pour le bis, Robin revient pour la seconde fois seul sur scène. Il demande alors au Trianon ce qu’il doit jouer. Ça sera “Montezuma”, moins triste que celle qu’il commençait à jouer, et chantée avec le public quand les “Oh man oh my oh me” retentissent. “Oliver James” suit, bien sûr. Enfin, tout le groupe se retrouve une dernière fois avec “Helplessness Blues”, avant de sortir ovationné comme jamais par un public aux anges.

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Texte : Emma Shindo | Photos : Sabine Swann Bouchoul