The Serpent, premier faux pas pour Tahar Rahim ?
SÉRIE – Classée dans les dix plus gros succès de Netflix depuis sa sortie, “The Serpent” est la nouvelle série consacrée à un serial killer. Le monstrueux Charles Sobrahj y est incarné par Tahar Rahim, mais peut-on parler de succès ?
Si nous posons la question, c’est qu’à priori vous avez une petite idée de la réponse ! Hélas. Tahar Rahim est aujourd’hui un des plus grands acteurs français, mais également internationaux. Car oui, si le sujet des accents des interprètes fera débat plus loin, on ne peut, en revanche, qu’être admiratif du travail de Rahim sur son anglais. Il s’exprime ici avec un léger accent “implaçable”, et une justesse impressionnante. Mais sinon, son jeu est ici loin de l’incroyable interprétation qu’il proposa dans Un prophète. Désolée de planter le décor ainsi, mais forcément les attentes étaient grandes et la déception à leurs images.
Les Québécois devraient porter plainte
Abordons immédiatement le premier gros problème de cette série qui va vous agacer jusqu’à la fin : l’accent (supposément !) québécois de Marie-Andrée. Interprétée par Jenna Coleman, actrice britannique, elle est la compagne/complice du tueur en série. Une jeune femme fragile et influençable qui va tomber sous l’emprise de ce psychopathe. Dès les premiers dialogues, nous sommes en état de perplexité et d’incompréhension. Pourquoi avoir choisi une actrice britannique, ne parlant visiblement pas un mot de français avant le début du tournage, pour interpréter une québécoise ? Car le texte est récité sans qu’elle n’en saisisse le sens, et nous non plus d’ailleurs, car nous n’avons pas compris la moitié de ces interventions.
Nous n’avons rien contre Jenna Coleman, qui par ailleurs livre une interprétation de cette jeune femme torturée assez intéressante. Mais n’y avait-il pas assez d’actrices québécoises de talent pour incarner ce rôle ? Ou au moins une francophone qui aurait travaillé à imiter un accent de qualité ? Et surtout, et c’est ce qui nous sidère, comment Tahar Rahim a pu lui donner la réplique et dire aux réalisateurs : “non mais vous inquiétez pas les gars, ça passe crèèèèèèème”. Il s’est forcément rendu compte pendant ces mois de tournage qu’il y allait avoir un souci ?! Incompréhensible.
Un serpent caricatural
Pour en revenir à Tahar, le rôle n’était certainement pas simple à appréhender. Charles Sobrahj était non seulement un tueur en série mais aussi un pervers narcissique, manipulateur et un sale type simplement désagréable. Mais là où Zac Efron réussit à interpréter un Ted Bundy aussi séduisant que terrifiant, et ce pour notre plus grande surprise, il faut l’avouer, notre Frenchy n’arrive pas à provoquer d’émotions auprès du spectateur. Aucun côté bad boy ou séducteur et donc aucune possibilité pour le spectateur de ressentir une quelconque sympathie.
L’interprétation est extrêmement monotone et mono-expression. On ne ressent ni compassion, ni dégout, ni horreur pour cet Alain Gautier (un des pseudo du Serpent) qui nous semble plus stupide qu’autre chose. Il n’y a pas de panache dans ce personnage. Nous ne sommes pas fascinés par lui mais plutôt perturbés par le maquillage outrancier de cagole auto-bronzée, le postiche un peu ridicule et les lunettes qui nous empêchent de percer son regard et de rentrer dans son cerveau malade.
Vomir jusqu’à l’écoeurement
Autre point d’irritation et de dégoût profond, après l’accent de Marie-Andrée/Monique, la manière dont le spectateur se fait vomir dessus en moyenne toutes les dix minutes. Le mode opératoire du Serpent était de repérer ses victimes selon ce qu’elles pouvaient lui apporter, soit en terme d’argent, soit en terme de passeports qu’il allait pouvoir falsifier et réutiliser pour ses propres voyages. Pour cela, il mettait de la drogue dans leurs boissons et les entrailles de ces pauvres hippies voyageurs, pour la plupart, se mettaient alors en éruption, par tous les orifices de leurs corps.
Honnêtement, voir ces scènes de vomissement et de diarrhée de manière aussi répétitive, voire même plusieurs fois la même scène si la narration fait un flashback, était-ce vraiment utile ? Cela ne relève plus du thriller mais de la scatologie et honnêtement, le trop est l’ennemi du bien.
La recette du succès était pourtant là
Il y avait pourtant beaucoup d’éléments qui auraient dû faire de cette série un franc succès et ce, au-delà du thème du serial killer qui est toujours bizarrement attrayant. La reconstitution de la Thaïlande des années 1970 est particulièrement léchée. La restitution de l’atmosphère de l’époque, notamment dans le choix des costumes, de la déco est très réussie. Le choix d’une image en flou artistique, comme si vos lunettes n’étaient plus tout à fait à votre vue, pour retranscrire certaines scènes en flashback, est intéressant. La manière dont l’humidité de Bangkok vous est rendue littéralement palpable.
Les cliffhangers sont bien amenés, ils vous tiennent en haleine et demeurent la principale raison pour laquelle, malgré une narration insupportable, vous continuez jusqu’au bout. Pourquoi avoir fait ce choix de bons en avant et en arrière, annoncés comme les horaires d’un vol sur ces panneaux à l’ancienne, en bas de l’écran ? Ce gimmick toutes les cinq minutes est assez irritant, après l’avoir vu dix fois vous ne le regardez plus et essayez de vous débrouiller tout seul. Tout ça aurait pu être beaucoup plus fluide.
Des seconds rôles qui ne déméritent pas
Ceux qui sortent leur épingle du jeu sont les rôles secondaires. Le diplomate hollandais qui se lance dans cette incroyable enquête, Herman Knippenberg interprété par Billy Howle nous transmet son angoisse et sa panique de manière très réaliste. Et lui, pour le coup, bien que Britannique, il semble produire un accent néerlandais digne de ce nom ! Globalement l’ensemble du casting tient plutôt bien la route et arrive à nous embarquer dans le drame que la rencontre du Serpent a causé dans leurs vies respectives. L’épilogue nous montre d’ailleurs ce que les vrais personnages sont devenus et comment cette affaire a plus ou moins modifié le cours de leur histoire.
Difficile d’être totalement contre cette série, car il n’y a pas que du mauvais, et finalement, nous pouvons presque être reconnaissants aux réalisateurs de ne pas avoir réussi à nous rendre sympathique ce sale type. La fin du récit, et donc la vraie fin de sa cavalcade est un peu idiote, insensée, et nous apprécions que Tahar Rahim ait refusé de rencontrer Sobrahj. Ce meurtrier sans envergure ne mérite pas autant d’attention. Il doit néanmoins jubiler du fond de sa prison népalaise de se savoir numéro 1 sur Netflix…
Mais effectivement, nous nous attendions à beaucoup plus, à la vue du caractère exceptionnel de l’affaire, et de la présence de Tahar Rahim. On connaît le talent du garçon pour se glisser dans la peau de ses personnages, mais il faut croire que la peau de ce serpent là ne valait pas la peine d’être portée…
The Serpent, disponible sur Netflix
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