Francos de Montréal : Corridor, Thierry Larose, Sofia Duhaime et Sueilo

COMPTE RENDU Francos de Montréal 2025 : retour sur les concerts marquants de Corridor, Sofia Duhaime, Thierry Larose et un passage à Sueilo. Une soirée riche en styles et en émotions.

On arrive sur la fin des Francos 2025. 8e et avant-dernier jour d’un de nos festivals préférés au monde. Et ce vendredi soir, on a hâte d’y être.

Sueilo, la vague réunionnaise des Francos

Sur la scène Loto Québec, on assiste à la moitié du concert de Sueilo. En trio, la Réunionnaise tente de faire danser un parterre clairsemé malgré quelques bonnes âmes qui ne se sont pas fait prier. Malgré deux musiciens qui donnent tout ce qu’ils ont, on trouve que les arrangements manquent beaucoup de profondeur. Il aurait fallu quelques instruments organiques en plus de cette batterie-percu qui ramène pourtant efficacement les influences afro de la bande. Sueilo ne manque pas de charisme, son placement de voix et sa présence scénique sont prometteurs pour la suite de sa carrière.

Il était une fois… Sofia Duhaime

Enchaînement avec Sofia Duhaime, dont on a récemment entendu parler grâce à son duo avec Emile Bourgault (“Nos amours cimetières”, une de nos nouvelles chansons préférées d’ailleurs). La Québécoise vient de sortir son premier album Lune d’argent qu’elle défend sur la scène Spotify pour ses premières Francos. Ses premières comme artiste, bien sûr ! Car le 20 juin 2019, elle était venue aux Francos comme spectatrice de Pomme nous dit-elle. Et en toute sincérité on n’est pas surpris.

La jeune femme est la réincarnation d’une princesse. Sa robe en velours bleu et aux longues manches tombantes confirme la D.A. médiévale (comme disent les jeunes). Une guirlande de fleurs roses est accrochée autour de son pied à micro. Derrière elle, deux musiciens se font assez discrets. Tous deux ont revêtu une chemise blanche pour l’occasion. Ils passent complètement au second plan tant Sofia Duhaime attire tous les regards, d’autant plus quand elle présente Gisèle, son auto-harpe.

Un rêve devenu réalité

Musicalement, puisqu’on est là pour parler de musique, Sofia Duhaime fait dans la chanson pop mélodieuse et naïve, portée par une voix puissante, d’une belle justesse. Malgré quelques problèmes d’oreillette au début de son spectacle, l’artiste poursuit son set mine de rien, avant de retrouver l’ouïe. Son album est un condensé d’expériences personnelles qu’elle livre avec aplomb ou tendresse selon les contextes. On a un coup de cœur pour “Cimetière” (en clavier-voix) et “Comme des anges” une des seules chansons d’amour qu’elle ait écrite.

“J’ai rêvé de faire les Francos” lâche Sofia Duhaime, toujours dans le contrôle d’elle-même alors que la fin de son spectacle pointe le bout de son nez. Elle joue “Le ciel pleurera” qui nous fait diablement penser à du Pomme époque En cavale, et finit son concert avec la jolie “Entre deux stations”. Le rêve est exaucé. Au prochain !

Le premier jour de l’été avec Thierry Larose

On file quelques mètres à côté. Des chandails jaunes, des bobs, des drapeaux québécois… le public de Thierry Larose a suivi la note du Québécois sur le dress code. Réminiscences de 2022, quand on voyait pour la première fois Le Roy, la Rose et le Lou(p) sur cette même scène. Cette fois-ci, Thierry est en solo (enfin, avec Lou-Adriane Cassidy en back vocals/claviers, ce n’est quand même pas rien) avec son groupe habituel.

Thierry Larose apparaît un peu intimidé au début de son spectacle, sûrement dans la contemplation de cette foule nombreuse venue l’applaudir. Le Québécois présente un mélange de chansons tirées de ses deux albums (Sprint 2023 et Cantalou 2021). L’accent a toutefois été mis sur la refonte des arrangements (et la présentation de titres moins joués dans le passé). On n’est pas les seuls à être désarçonnés lorsque certaines introductions débutent et qu’il nous faut un bon 20 secondes pour finalement reconnaître des accords familiers (“Chanson pour Bérénice Einberg”).

Ainsi, on apprécie ce solo Sam Beaulé à la basse sur “Baleine et moi”, la jazzée de Rosemont “Comme dans mes souvenirs”, ou les teintes de blues dans “L’île à vingt-cinq sous”, une chanson dédiée spécialement à “Mme Martine”, l’ancienne enseignante de Thierry. Celle-ci, présente dans le public lui a récemment envoyé une photo de lui à son “expo-science”. Et dire qu’elle pensait faire de Thierry Larose un grand scientifique !

La St-Jean en avance

Sur scène, le feu a pris, presque un grand brasier de la St-Jean. En plus, “c’est le premier jour de l’été !” souligne justement le Québécois. Il semble d’ailleurs beaucoup plus à son aise, toujours aussi souriant. Vient “Frisbee & Marmelade”. Les festivaliers sont divisés en deux côtés et invités à chanter les deux voix du refrain, c’est mission réussie. La fin du spectacle fait vivre son quota d’émotions avec une belle version de “Les éléphants”, une chanson pas jouée depuis 2021. Suivies de “Demain, demain” et “Portrait d’une Marianne”.

Cadeau final ? Une nouvelle chanson en guitare-voix d’une jolie finesse et harmonie qu’on appellera “La roue tourne” pour le moment. Et feux d’artifice sur “Les amants de Pompéi”. “Beh oui, il fallait *stie !” me dit joliment ma voisine (inconnue) qui se met alors à chanter à plein poumon. Les drapeaux “Vive la musique québécoise” sont jetés sur scène et les cinq musiciens les déplient puis posent, poings levés. Notre St-Jean en avance !

Les décibels de Corridor

Le spectacle de Corridor commence alors que Thierry Larose et ses comparses sont encore sur scène avec les drapeaux de VLMQ. L’ambiance change drastiquement. Le groupe québécois n’est pas là pour enfiler des perles, comme on dit non-poétiquement. Leur rock indé balance des décibels dans nos tympans, nappé de synthétiseur aérien, histoire de balancer un tantinet le tout. Néanmoins, leur son live est beaucoup plus chargé et diffus que les versions studio. Les deux propositions ne sont pas pour nous déplaire.

Corridor est venu défendre Mimi, son dernier album sorti l’année dernière. Jonathan Roberge (guitare/chant) et Dominic Berthiaume (basse/chant) entrent très tôt dans la danse, se contorsionnant nerveusement avec leur instrument, tel un ballet contemporain où pourtant il n’y a pas de rencontre. Les trois autres musiciens (guitare, synthés, batterie) sont plus statiques. Chacun dans sa bulle. La fusion se fait chacun de son bord.

Corridor n’a pas grand chose à dire

Après 6 ou 7 chansons, on a perdu le compte, enfin, ils s’adressent au public pour le saluer. “Merci d’être plus nombreux que la dernière fois !” On a des souvenirs d’Alt-J sur scène : chacun gardant sa position et n’interagissant avec le public que sous la contrainte (on exagère mais vous voyez notre point ?). On se demande si on est dans le même cas de figure avec Corridor. Quand un silence est gênant, un sujet facile est d’aborder la météo du moment. Ça ne rate pas. “On est chanceux avec la météo !” suivi de “On n’a pas grand chose à dire !” sont révélateurs d’un groupe qu’on aurait aimé plus avenant.

Car tous les éléments pour faire un bon show sont là. Des riffs entêtants (“Caméra”), des musiciens qui trippent, une alternance de voix principales dynamique (“Jump Cut”), un bon rythme soutenu… Quel dommage ! Enfant on disait une phrase imagée mais significative : on aurait aimé faire partie du délire. Un coach aurait aussi pu dire “arrêtez de jouer perso !”

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Texte et photos : Emma Shindo